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L’OPPOSITION ET LE PARTI RADICAL.

qui dirigeait le mouvement électoral des dernières années de la restauration, renfermait aussi des hommes dont les vues allaient au-delà d’un changement de ministère, et qui voulaient renverser la monarchie. Mais ces hommes étaient en minorité dans le comité principal ; leurs opinions, trop excentriques ou trop avancées, n’avaient pas d’ailleurs le moindre écho dans les colléges électoraux. En dépit des tentatives avortées et oubliées du carbonarisme, ces convictions n’étaient pas sorties du vague de la théorie, et ne méritaient pas le nom de parti. M. Guizot pouvait donc, sans trop compromettre le succès de l’opinion libérale, siéger auprès de M. Garnier-Pagès, et M. Agier auprès de M. Cavaignac.

Les positions respectives sont bien changées. Quand les républicains se montreraient aujourd’hui tout-à-fait résignés à n’employer désormais, contre leurs adversaires, que les seules armes de la discussion, dépendrait-il de nous d’oublier que c’est le même parti qui leva, dans les rues de Paris, en 1832, le drapeau de l’insurrection, et qui troubla de nouveau, en 1834, le repos de nos deux plus grandes cités ? En 1827, on n’avait en face de soi que des théoriciens ; en 1837, ce sont des hommes d’action, qui portent partout avec eux l’épouvantail d’un passé encore saignant.

Après tout, la question n’est pas de savoir si, dans la coalition de 1827, il se rencontrait des principes hostiles à la royauté, ni si M. Guizot était entouré de républicains dans la société Aide-toi, comme M. Laffitte dans le comité de 1837 ; mais bien si le point commun de l’alliance, le symbole proposé aux électeurs, le mot de ralliement jeté à l’opinion publique, était alors, ce qu’il n’est pas aujourd’hui : « la Charte et la monarchie. »

Voilà ce qui nous paraît incontestable, voilà ce que l’on ne saurait nier, sans détruire l’histoire elle-même, en présence des témoignages encore vivans, et au lendemain d’une révolution qui n’a pas eu besoin de joncher le sol de ruines pour s’établir.

Oui, la Charte était alors le vœu de la France, la Charte qui contenait la monarchie. L’opposition criait : « vive la Charte ! » parce que la Charte était menacée par le pouvoir ; elle s’attachait à l’ordre légal, pour mieux lutter contre l’arbitraire ; c’était la force d’un côté, et de l’autre le droit. L’opposition libérale, on ne le sait que trop, combattit pendant quinze ans avec des armes et des fortunes diverses. Tant qu’elle conspira ou qu’elle encouragea les conspirations, le pays ne reconnut pas sa voix ; elle fut réduite à végéter dans les clubs et à disputer péniblement quelques têtes à l’acharnement du