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REVUE. — CHRONIQUE.

impossible d’admettre que primitivement le Jura, avant d’être fixé à son niveau actuel par suite des dernières révolutions du globe, ait été soulevé beaucoup plus haut. Les glaciers alors auraient pu reposer au-dessus des couches humides et nuageuses de l’atmosphère à laquelle la terre devait sa température, presque partout uniforme ; mais on doit marcher avec beaucoup de précaution dans cette voie d’explication pour éviter de retomber dans les anciens rêves, qui jadis avaient jeté un si grand discrédit sur la géologie.


Animaux antédiluviens. — La découverte inattendue d’une mâchoire fossile de singe, trouvée par M. Lartet dans les terrains tertiaires des environs d’Auch, avait fait évènement dans la paléontologie. Cuvier avait plusieurs fois répété qu’on ne connaissait aucun fossile de quadrumane ; c’était un argument en faveur de l’opinion des créations successives ; il semblait en même temps que cette considération devait ne laisser aucun espoir de trouver des fossiles humains. Mais cette mâchoire de singe, examinée par M. de Blainville, se trouva provenir précisément d’un des genres qui se rapprochent le plus de l’espèce humaine, d’un gibbon, dont les congénères ne se trouvent aujourd’hui que dans les îles de la Sonde ; ce fut, pour M. de Blainville, l’occasion d’examiner la distribution géographique des singes, et ce savant se trouva conduit à nier formellement l’existence de ces animaux à l’état sauvage sur les rochers de Gibraltar ; M. Geoffroy-Saint-Hilaire releva cette assertion, et prétendit que la question de la distribution géographique devait disparaître devant la considération plus importante de l’influence du milieu ambiant ; c’est ainsi qu’en opposition avec le principe de l’immutabilité des espèces professé par Cuvier, il nomme le principe d’après lequel il prétend que les espèces existant primitivement à la surface du globe ont été successivement modifiées, à mesure que la température, l’état de l’atmosphère et les autres circonstances ont changé. Toutefois la question incidente de l’existence à Gibraltar des singes avec ou sans queue se trouva longuement débattue, et, en attendant que les naturalistes puissent se prononcer en connaissance de cause sur un de ces animaux pris ou tué dans cette localité, plusieurs voyageurs sont venus attester qu’ils en avaient vu des bandes nombreuses, et qu’ils avaient été témoins de leurs espiègleries.

D’autres ossemens fossiles très intéressans, trouvés aux environs d’Auch, ont été envoyés plus récemment au Jardin-des-Plantes par M. Lartet qui, dans sa lettre d’envoi, faisait des remarques importantes sur la nature des animaux dont ils provenaient. M. de Blainville, dans son rapport, signala, entre autres choses curieuses, des carnassiers phocéens, c’est ainsi qu’il nomme les phoques, et chercha à contredire M. Lartet dans ses inductions, sans songer qu’il s’exposait grandement lui-même à être contredit, pour avoir prétendu que tous les cerfs doivent déposer chaque année leur bois, tandis que le contraire a été observé dans les contrées intertropicales, où la variation des saisons est bien moins sensible que dans nos climats.