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REVUE. — CHRONIQUE.

L’esprit éclairé du ministre comprend, en effet, qu’avec les riches musées égyptiens pour lesquels le gouvernement a jusqu’à ce jour employé des sommes considérables, une chaire d’archéologie égyptienne, comme l’entendait Champollion, est un complément indispensable. Si le Collége de France n’a pas cru devoir accepter l’offre qui lui était faite, nous n’en devons pas moins des éloges à M. de Salvandy, qui dans cette occasion a protégé de tout son pouvoir les vrais intérêts de la science, et cherché à prévenir, autant qu’il le pouvait, une décision funeste aux études qui ont l’Égypte pour objet.


M. Lerminier ouvrira son cours au Collége de France mardi 5 décembre à deux heures moins un quart. Il continuera à la même heure, les mardi et samedi de chaque semaine. Il exposera les origines du droit international moderne pendant le moyen-âge.


— Nous avons promis de revenir sur le nouvel ouvrage de M. Didier, Une Année en Espagne[1], qui, mieux que Rome souterraine, peut faire apprécier, dans l’auteur, le talent pittoresque uni à l’intelligence élevée de l’histoire. Depuis long-temps, l’Espagne n’a été le sujet d’un livre mieux fait, sous le double rapport de la forme et du fond. Dans sa préface, M. Didier explique, avec modestie, le but de son livre ; c’est avant tout, dit-il, une œuvre de renseignemens qu’il a voulu faire. Sans doute son travail, ainsi restreint, a pu perdre en attrait pour les amateurs de la rhétorique oiseuse et des prophéties hasardées, mais sa valeur s’est augmentée certainement aux yeux des lecteurs moins frivoles. Ceux qui désirent arriver par la connaissance des mœurs à l’interprétation des faits historiques, consulteront avec fruit cette relation. M. Didier ne perd pas une occasion d’expliquer la situation politique de l’Espagne par son état moral. La partie la plus étendue de son livre est consacrée à une étude, ainsi comprise, de la révolution espagnole et de la guerre civile. Nous avons remarqué dans cette partie une biographie de Mina pleine d’intérêt, le récit d’une émeute militaire à Madrid, et de piquantes esquisses des orateurs et des généraux de l’Espagne. Il y a aussi, dans un chapitre sur la bureaucratie espagnole, des réflexions très justes et une noble indignation qui s’exprime avec éloquence. Comme tableaux animés et vivans, nous citerons la foire de Mairena, la description de Tolède, la route de Saragosse à Madrid. Mais ce qu’on lira sans doute avec le plus d’intérêt, ce sont les révélations que contient le dernier chapitre, sur la vie privée de la reine Christine et sur le mépris où est tombée la vieille étiquette espagnole. Nous ne saurions cependant approuver complètement, à cet égard, la franchise du narrateur. Il a eu le tort, selon nous, de confondre les conditions du récit de voyages et de la relation historique. En traçant le tableau de la décadence d’une grande monarchie, il s’est trop peu souvenu qu’il racontait les mœurs de personnes vivantes, et qu’il discutait des faits contemporains. Il a fait de l’histoire, en un mot, et s’est interdit scrupuleusement les réticences. En cela, il s’est trompé, nous le croyons ; ce n’était pas le cas d’aborder la tâche de Suétone, et d’imiter son énergie familière. L’erreur de M. Didier a d’ailleurs, nous le savons, un motif respectable, et il a pu croire que la pureté

  1. vol. in-8o, chez Dumont, au Palais-Royal.