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POÈTES ET ROMANCIERS DU NORD.

riades d’êtres qui peuplent la nature. Écoute-moi, père de la lumière, écoute-moi, père du chant !

« Enseigne moi à peindre pour ce monde obscur les scènes célestes ; donne-moi la langue et l’expression, afin de fixer sous une forme vivante les images fugitives qui passent devant mes yeux !

« Donne-moi la force de mépriser la présomption des sots et les injures de ce monde si docte, qui se raille des œuvres du poète[1]. »

Souvent aussi une idée mystique, mais une idée charmante, apparaît dans ses poésies. C’est que notre existence n’a pas commencé avec des cris d’enfant sur cette terre ; c’est que notre ame a déjà vécu ailleurs, et qu’elle aspire à retourner dans le monde d’où elle a été bannie, parmi les anges qui ont été ses frères ; et quand le poète entend le frémissement de la brise à travers le feuillage, il lui semble entendre la voix harmonieuse des êtres célestes ; et quand il regarde le rayon des étoiles dans les ombres du soir, il lui semble reconnaître les sphères où il a vécu :

Sur mon chemin désert les étoiles fidèles
Projettent leurs rayons et sourient à mes yeux.
Comme l’oiseau des champs, oh ! que n’ai-je des ailes
Pour m’en aller là-haut dans ce monde joyeux ?

Sur le nuage d’or qu’on voit passer dans l’ombre,
Un ange m’apparaît avec sa harpe en main ;
Il se penche en riant sur notre terre sombre ;
Son visage est si beau ! son regard est divin.

Silence ! le voilà qui prend sa harpe et chante,
Et un doux chant se mêle au murmure du vent.
Oh ! je te reconnais, musique ravissante,
Mon ame t’écouta bien des fois en rêvant.

Oui, je me le rappelle, un jour j’ai vu cet ange ;
Sur ces astres un jour ses frères m’ont parlé.
Maintenant je suis seul, une tristesse étrange
Me poursuit dans ce monde où je vis isolé.

Les chants aériens, les étoiles brillantes
Éveillent dans mon cœur un ardent souvenir.
Dans vos pieux concerts, dans vos sphères riantes,
Anges du ciel, bientôt laissez-moi revenir.

Souvent aussi Tegner a chanté l’amour. Il l’a chanté avec une ar-

  1. Skaldens Morgonpsalm.