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jusqu’à l’année 102. Trajan voulut s’en affranchir, et fit contre les Daces des préparatifs formidables : on voit encore les débris du pont en pierre qu’il fit jeter sur le Danube par Apollodore de Damas, prodige extraordinaire que l’on ne peut apprécier que si l’on a mesuré de l’œil l’immense profondeur et la vaste étendue du fleuve à cet endroit. Par cette route entrèrent en Dacie de nombreuses et vaillantes légions qui, bientôt victorieuses, revinrent chargées des dépouilles de leurs ennemis. Trajan prit le surnom de vainqueur des Daces ; et la vivante image des exploits de cette guerre s’immortalisa sur l’airain de la colonne Trajane, que Rome possède encore.

Cette défaite des Daces est le fait le plus important et la grande crise qui a décidé l’avenir du pays. Après une guerre obstinée et une résistance acharnée, les champs restèrent en friche, et la Dacie se dépeupla. Les uns, en grand nombre, avaient péri les armes à la main ; les autres, impatiens du joug romain, avaient émigré avec leurs femmes et leurs enfans chez les Sarmates. On voit encore, sur la colonne Trajane, le tableau fidèle de cette courageuse émigration. Un pays désert, un sol excellent, offraient une occasion favorable aux colonies romaines[1]. Trajan la saisit. Des villes s’élevèrent, on bâtit des chaussées dont les vestiges subsistent. Dans la petite Valachie, une ville porte encore le nom de Caracalla. Tous les jours apparaissent des antiquités romaines, des pierres sculptées et des médailles. Idiome, coutumes, habitudes, tout fut romain. Ces traces sont encore visibles dans tous les détails des mœurs valaques[2].

La langue actuelle du pays a des rapports intimes avec les idiomes néo-latins ; les deux tiers des mots appartiennent au dic-

    variorum artificiorum, tam pace quam bello utilium, Decebalo daret, aliaque bona semper ei se daturum promitteret, etc. Dio Cassius, lib. lxii, cap. ii.

  1. Idem de Dacia facere conantem, amici deterruerunt… a Trajano victa Dacia, ex toto orbe Romanorum infinitas eo copias hominum transtulat ad agros, et urbes colendas : Daciæ autem, diuturno bello Deceballi, res fuerant exhaustæ. Eutropius, lib. viii, in Adriano. — Ita Dacia juris et ditionis Romanæ facta est, quam Trajanus in provinciam redigit : urbes condidit et colonos deduxit. Dio Cassius.
  2.  Dacorum sive Valachorum in quibus et Moldavi gens bello præstantissima est… Dacorum lingua similis est Italorum linguæ. Nihil differunt ab Italis ; cætera etiam victûs ratione, armorumque et suppellectili, apparatu eodem Romanorum utentes. Calcondylas, lib. ii. — Cavonius in Dial. de adm. reg. Transylv., vernaculum illum plus fert in se habere romani et latini sermonis quam præsens Italorum lingua. Toppelturus, cap. ix.