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même temps que de sel et de gaieté, sont innombrables dans M. Janin, et l’on n’en finirait pas si l’on se piquait de recueillir seulement les plus remarquables. Nous nous bornons à en prendre quelques-uns sans choix, au hasard, et plutôt pour faire comprendre notre idée que pour faire ressortir ce genre de mérite dans l’écrivain.

Et en effet, dans cet écrivain, où trouver le critique ? La place qui lui reste est bien mince. Un esprit si fécond et si pressé de produire lui-même ne peut guère s’appliquer à raisonner sur les productions des autres. D’ailleurs, nous retrouvons ici M. Janin tel que nous l’avons vu partout, homme d’inspiration soudaine, d’imagination indépendante et nomade, qui ne peut se fixer au pied d’un principe, et limiter le champ de ses excursions au point où s’arrête le développement logique des conséquences. La critique, opération de l’esprit abstraite dans ses moyens, est abstraite dans ses résultats. Habile à tout décomposer, elle est impuissante à recomposer quelque chose ; elle ne réalise rien, elle n’a d’existence et de valeur que comme idée ; et l’idée elle-même, considérée abstractivement, n’existe pas pour M. Janin. Sa critique, au lieu d’être en raisonnemens, est toute en effets, en formes, en mouvemens, en couleurs qu’il oppose habilement à d’autres couleurs, à d’autres mouvemens, à d’autres formes, à d’autres effets. Elle se réalise en parodies, en paradoxes pétillans et bouffons, en contre-vérités, en contrastes de toute espèce. Il ne se pique pas d’analyser et d’expliquer les impressions produites sur lui par un ouvrage de l’esprit ; il les traduit dans une figure pleine d’expression et de vie qu’il anime de son souffle, et qui les rend avec un relief où l’excessive finesse des contours n’exclut pas la vigueur. C’est chez lui surtout que toute conception prend un corps, une ame, un esprit, un visage, et toujours le visage qui lui convient le mieux, le visage qui lui est propre, excepté quand l’auteur veut reproduire une figure historique, comme on peut le voir à la manière dont il a conçu Barnave et les autres personnages dont il l’a entouré.

M. Janin est un esprit, non pas antique, mais païen, qui aime la forme pour elle-même, et qui la diviniserait volontiers, s’il croyait faire quelque chose pour elle en lui conférant la divinité. Il vous pardonnera et il se pardonnera tant que vous voudrez les contre-