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LETTRES POLITIQUES.

délaissé par lui-même, s’est vu arracher, sans combattre, une partie des avantages de la centralisation, qui lui étaient cependant plus nécessaires qu’à tout autre, dans son prétendu système de force et d’intimidation, quand ses écrivains avoués prêchent contre le régime constitutionnel et en faveur du pouvoir absolu !

On accuse M. Thiers d’attaquer avec quelque vivacité le ministère actuel. Nous croyons sans peine que M. Thiers n’approuve pas sa marche politique, car ce serait se condamner lui-même ; mais, en vérité, si M. Thiers mettait à combattre le cabinet l’acharnement et l’impatience qu’on lui prête, il faut avouer qu’il aurait eu beau jeu dans la discussion de la loi municipale, où, grâce à son aptitude extrême à toutes les questions, et à ses connaissances spéciales, il lui était facile de défaire complètement la loi et de rendre la discussion encore plus déplorable qu’elle ne l’a été pour le ministère. On n’a pas oublié la discussion des deux lois qui eut lieu dans les premiers jours du ministère de M. Thiers, lois d’un intérêt aussi vivace que l’est la loi municipale, mais dont les détails n’étaient pas très attrayans. Quelle puissante vitalité jeta dans la chambre la parole féconde et variée de M. Thiers, ainsi que l’étude qu’il avait faite de tous les intérêts qui se rattachaient à ces deux lois sur les douanes et sur les chemins vicinaux ! Alors les affaires du pays semblaient avoir quelque intérêt pour les députés qui venaient en foule aux séances ; la chambre ne périssait pas d’inertie, le ministère ne semblait pas proposer des énigmes dont il n’avait pas lui-même la clé, et, quelques reproches que lui fissent ses adversaires, on ne pouvait pas du moins l’accuser de ne pas remplir les conditions d’un gouvernement d’examen et de discussion.

Maintenant, l’ennui et l’indécision se glissent partout, et réagissent du ministère à la chambre et de la chambre au ministère. Le cabinet est faible, il le sent ; ses membres ne s’abordent qu’en tremblant, crainte de se choquer et de s’entre-détruire ; tout est obstacle pour eux, tant ils ont le sentiment de leur débilité intérieure et de la faiblesse du lien qui les unit. On a parlé de modifications ministérielles, de l’adjonction de quelques hommes bien nécessaires, en effet ; mais il n’en sera rien, tant on a peur de déranger le parfait équilibre du ministère, si étrangement réparti entre M. Molé et M. Guizot, qui semblent avoir changé mutuellement de prétentions et de natures. S’agit-il de parler dans une oc-