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REVUE. — CHRONIQUE.

avec une édifiante docilité, l’un ou l’autre parti, tant il craignait que la retraite volontaire de son collègue vînt brusquement dissoudre le cabinet. M. Molé doit bien se convaincre que sa présidence actuelle n’aurait pour lui ni sens ni dignité, s’il se réduisait à suivre des opinions réactionnaires qu’au fond il ne partage pas. Il y a dans la chambre beaucoup de députés qui verraient avec plaisir M. Molé incliner au centre gauche, et effacer les aspérités doctrinaires par une politique plus pratique et plus tolérante. De cette façon, la conduite de M. Molé serait plus d’accord avec ses précédens politiques elle pourrait lui ménager une assez longue existence ministérielle, et des alliances nécessaires.

On sent si bien que, malgré ses résolutions passagères de statu quo, le ministère est condamné à un prochain remaniement, que les bruits les plus étranges ont couru à cette occasion. On a parlé d’un rapprochement entre MM. Thiers et Guizot et de l’éventualité d’une nouvelle alliance. Une rencontre fortuite a donné lieu à cette ridicule rumeur. Comment croire à une transaction dans laquelle l’une des parties aurait tout à gagner et l’autre tout à perdre ? Au surplus, l’ancien ministre des affaires étrangères a beaucoup ri de ce prétendu rapprochement, et s’est expliqué sur ce sujet, dit-on, avec l’énergie la plus précise et la plus nette. M. Thiers peut aimer le pouvoir, mais pour obtenir en l’exerçant de véritables résultats politiques. D’ailleurs, il n’ignore pas qu’une position prise avec éclat ne peut plus être abandonnée ; il est aujourd’hui chef reconnu du centre gauche, et il ne peut rentrer aux affaires que par et avec son parti, parti qui compte dans ses rangs les hommes les plus honorables et des talens spéciaux fort distingués, mais qui a besoin de la direction d’un homme d’état qui donne à ses forces, un but et une application. Que le centre gauche prenne exemple sur les bancs doctrinaires : quel zèle ! quel accord ! quelle discipline ! Là on ne connaît pas de découragement ; là on fait des sacrifices avec un dévouement inépuisable : il faut être juste envers ses ennemis et leur prendre leurs qualités pour les vaincre. Napoléon apprit aux Allemands à triompher de lui en leur faisant trop souvent la guerre. Que M. Guizot, qui n’est ni un Napoléon ni un César, finisse par apprendre à ses adversaires sa tactique et son secret. Ce n’est pas, il faut l’avouer, le parti doctrinaire qui se serait laissé enlever par l’ennemi une position dans la presse et un organe de publicité ; la conquête du Journal de Paris par M. Fonfrède est un échec pour le centre gauche. On ne doit pas oublier que l’influence sociale et la puissance politique n’ont jamais été le prix de la parcimonie et de l’isolement.

Nous convenons qu’il est difficile de former en France un parti vraiment politique. Les individualités se montrent ombrageuses, suscep-