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Toutefois, Luath reconnaît que les tenanciers sont trop fréquemment ruinés de fond en comble par les exactions des agens de leur seigneur, absent du pays pour le bien, sans doute, de la Grande-Bretagne, « Pour le bien de la Grande-Bretagne ! » s’écrie César ; et il lui représente les lords allant au parlement voter aveuglément au gré des chefs du parti, courant l’opéra, les bals, les brelans et les mauvais lieux ; voyageant partout et ruinant leur bourse et leur santé à Madrid, à Vienne et à Versailles, et cherchant à se refaire des conséquences de leurs amours de carnaval aux sources bourbeuses de l’Allemagne, « Est-ce bien pour cela que le pauvre s’exténue ? » dit le bon Luath, qui ne revient pas de sa surprise. Ah ! si les seigneurs se tenaient loin des cours et prenaient goût aux amusemens de la campagne, tout en irait mieux pour eux, pour le tenancier et pour le laboureur ! Mais il ne peut croire que des gens qui sont à l’abri du froid et de la faim ne mènent pas joyeuse vie ; et pour le persuader du contraire, il ne faut rien moins que l’éloquent tableau que lui fait César de l’ennui qui poursuit les riches jusque dans la débauche, la médisance et les cartes, ces livres peints du diable, comme il les nomme. Cependant le soleil a quitté l’horizon, une lueur plus sombre amène la nuit, l’escarbot fait entendre son bourdonnement paresseux, les vaches se tiennent mugissantes aux portes de la laiterie : nos deux amis se séparent, non sans s’être promis de se revoir, et se réjouissant, en présence des souffrances du pauvre et des ennuis du riche, d’être chiens et non pas hommes. Mais Burns n’est pas toujours aussi optimiste que dans le ravissant apologue dont on vient de lire l’analyse sèche et décolorée. De temps en temps il pousse jusqu’au ciel un cri de douleur, dans a Winter Night (une Nuit d’hiver), dans Winter, dans to Ruin (à la Destruction), et dans Despondency (le Découragement), ode qui commence par cette plainte déchirante : « Accablé de chagrins, accablé d’inquiétudes, sous une charge plus lourde que je ne la puis porter, je m’assieds à terre, et je soupire : vie, tu es un fardeau écorchant, sur une route raboteuse et harassante, pour des misérables tels que moi ! »

La haine du fanatisme et de l’hypocrisie a inspiré à ce talent si vrai Holy Willie’s Prayer, la Prière de saint Guillaume ; Kirk’s Alarm, l’Alarme de l’Église, et ce post-scriptum d’une épître à