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LES ORANGS.

ble, et apportait gravement son assiette pour recevoir ce qu’on voulait bien lui donner. Une fois on le grisa avec du punch (ces animaux ont tous du goût pour les liqueurs fermentées) ; mais on observa qu’à dater de ce jour, il n’en voulut jamais prendre plus d’un verre, et il était impossible de lui en faire accepter davantage ; ainsi le seul instinct enseigne aux brutes la tempérance, ce qui prouve que l’intempérance est un crime, non-seulement contre les lois de la morale, mais encore contre les lois de la nature. »

« Après les premiers jours de navigation, et avant que la maladie l’eût affaibli, le pygmée avait repris toute la liberté de ses mouvemens, et c’était plaisir que de le voir grimper au haut d’un mât et voltiger parmi les cordages. Sur le sol il se tenait le plus souvent debout, et en effet, dès que j’eus remarqué la direction des poils de ses bras, je fus porté à en conclure qu’il devait avoir habituellement le poignet plus élevé que le coude, et que par conséquent ses membres antérieurs n’étaient pas faits pour servir à la marche ou à la station. On a déjà vu d’ailleurs combien sa posture, lorsqu’il se tenait sur les quatre pattes, était peu naturelle, puisqu’au lieu d’appuyer contre le sol la face palmaire de la main, il y touchait seulement par le dos des premières phalanges, celles des autres doigts étant fléchies, comme elles le sont quand nous fermons le poing.

« On avait habitué l’animal à souffrir des vêtemens, et il en sentit lui-même l’utilité lorsque le bâtiment qui le portait arriva dans les climats froids ; il était d’autant plus sensible aux changemens de température, que toute la partie antérieure de son corps n’était que très peu abritée par le poil, et les progrès de la maladie contribuaient encore peut-être à le rendre frileux. Quoi qu’il en soit, il se couvrait de son mieux, et lorsqu’il y avait une pièce de son habillement qu’il ne parvenait pas à mettre, il l’apportait à quelque personne de l’équipage pour qu’on l’aidât à s’en revêtir. Il se couchait dans un lit, posait sa tête sur l’oreiller, attirait les couvertures sur lui comme l’eût pu faire un homme. Seulement il était assez peu soigneux pour ne pas prendre la peine de se lever lorsqu’il avait quelque besoin à satisfaire. J’ajouterai que, quand il vint en ma possession, il était tout couvert de vermine ; mais j’ai lieu de croire qu’il l’avait prise à bord du bâtiment, car les insectes étaient fort semblables à ceux du corps de l’homme, et