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MÉMOIRES DE LAFAYETTE.

Le fait est que la presque totalité de l’assemblée ne voulait pas le complément de la république, c’est-à-dire un changement de formes dans le pouvoir exécutif ; car tout, excepté ce point, était républicain dans la constitution de 91. Il y avait quelques républicains dans l’assemblée : ils pouvaient être divisés en républicains politiques et républicains anarchistes ; mais il y en avait tout au plus cinq ou six de chaque espèce, et il paraît que les premiers, après avoir tâté l’opinion publique, se rattachèrent franchement à la volonté nationale, qui était de rétablir le trône constitutionnel[1].

M. de Bouillé avait écrit de Luxembourg, à l’assemblée, une lettre violente où il dénonçait Lafayette comme étant à la tête d’un parti républicain pour renverser la constitution.

Celui-ci, montant à la tribune, dit à la séance du 2 juillet :

« Messieurs, je reçois de Luxembourg, sous le cachet de M. de Bouillé, deux exemplaires imprimés de sa lettre à l’assemblée : si les projets qu’il annonce se réalisaient, il me conviendrait mieux, sans doute, de le combattre que de répondre à ses personnalités ; ce n’est donc pas pour M. de

    deux autres personnes qu’on n’accusera pas de partialité : l’une est M. Mandel, qui, à l’époque de la déclaration de guerre, se trouvant sous les ordres de Luckner, déserta avec le régiment de Royal-Allemand qu’il commandait et passa au service de l’Autriche. Plusieurs mois avant cette désertion, il dit publiquement à Lafayette, à Metz, qu’il reconnaissait lui avoir obligation de la vie. L’autre est M. Goguelas, adjudant-général, qui fut, à ce qu’il paraît, moins reconnaissant. Arrêté à Varennes, il était prisonnier à Mézières. Lafayette apprit que les rigueurs de sa détention pouvaient nuire à sa santé, et quoiqu’il ne fût nullement responsable de ce qui se passait à Mézières, l’un de ses aides-de-camp, M. Alexandre Romeuf, s’empressa de partir pour cette ville, afin d’obtenir que M. Goguelas fût mieux traité, comme il le fut en effet, jusqu’au moment où, d’après le décret de l’assemblée, on le conduisit dans la prison d’Orléans. Ces particularités dont Lafayette était fort éloigné de se prévaloir, ne justifient pas ce mot de la reine : qu’il était sensible pour tout le monde, excepté pour les rois.

    (Note trouvée dans les papiers du général Lafayette.)

  1. Peu de jours après le 21 juin, La Rochefoucauld, intime ami de Lafayette, réunit chez lui un assez grand nombre de députés, afin d’examiner le parti qu’il y avait à prendre en de si graves circonstances, et s’expliqua de manière à ce que son vœu personnel pour la république ne fût pas douteux. Cet avis fut vivement appuyé par un des assistans, Dupont de Nemours ; mais la grande majorité de ce comité se montra si contraire à toute idée de ce genre, il fut tellement prouvé, par cet essai sur des hommes éminens de l’assemblée constituante, que la capitale et la nation presque entière partageraient la répugnance de leurs collègues à changer la forme du gouvernement, que ces républicains durent renoncer à leurs espérances. On sait bien que de tels hommes ne pouvaient considérer qu’avec horreur le projet de violenter sur ce point l’opinion publique.

    (Note trouvée dans les papiers du général Lafayette.)