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sur l’Histoire de France, qui ont commencé la réputation de M. Guizot, appartiennent exclusivement au domaine de l’érudition. Dans ce livre, composé d’une suite de mémoires, plusieurs questions obscures et difficiles sont discutées sérieusement et résolues avec une précision scientifique ; les origines de plusieurs faits, enregistrés par l’histoire à l’heure la plus éclatante de leur développement, sont poursuivies et découvertes avec une sagacité remarquable. Assurément ce livre ne pouvait être produit par une intelligence vulgaire ; mais dans cette suite de mémoires, d’ailleurs très estimables et très utiles, l’art ne se montre nulle part. Les faits sont remis à leur place, l’évolution historique des droits que la philosophie déclare éternels, mais qui n’apparaissent que successivement dans le monde réel, est décrite avec une patience et une clarté très dignes d’éloges ; mais il n’y a point dans l’expression de ces idées la moindre trace de composition. C’est tout simplement une masse de matériaux dont la connaissance est désormais indispensable à tous ceux qui étudient notre histoire. Mais M. Guizot n’a pas songé à revêtir les élémens qu’il avait recueillis d’une forme littéraire : avec cet unique volume il pouvait se présenter hardiment à l’Académie des inscriptions ; son ambition ne devait pas frapper aux portes de l’Académie française.

L’Histoire de la Révolution d’Angleterre, encore inachevée aujourd’hui, mais assez avancée cependant pour être jugée sans légèreté, est-elle plus littéraire que les Essais sur l’Histoire de France ? Nous ne le pensons pas, et voici pourquoi : dans ce livre, consacré au récit d’une période à jamais mémorable, les faits occupent très peu de place, et l’exposition des idées, suscitées par les faits, que nous entrevoyons tout au plus, envahit la plus grande partie de l’espace. À proprement parler, cette histoire n’est pas une histoire ; c’est plutôt un commentaire politique sur les faits dont l’auteur pouvait s’occuper historiquement, c’est-à-dire pour les raconter et pour les interpréter en les racontant, mais dont il aime mieux parler à son aise en les supposant connus d’avance. Sans doute il serait possible d’apporter dans ce commentaire politique des qualités vraiment littéraires ; sans doute il serait possible d’encadrer l’histoire dans la logique, et d’imposer au développement des idées le baptême d’un fait sans se résoudre pourtant à raconter le fait qui nommerait l’idée. Montesquieu, dans l’Esprit