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ÉTABLISSEMENS LITTÉRAIRES DE COPENHAGUE.

Il y a aussi à Copenhague une académie de beaux arts, une école de peinture et d’architecture. L’exposition à laquelle j’ai assisté m’a paru bien pauvre. Mais une grande gloire rayonne sur cette école : elle a produit Thorvaldsen.

Bertel Thorvaldsen est né le 19 novembre 1770. Son aïeul était pasteur en Islande. Son père vint dans sa jeunesse à Copenhague et s’y maria avec la fille d’un prêtre. Il y gagnait assez péniblement sa vie en ciselant des couronnes de fleurs, des arabesques, et au besoin des figures de nymphes pour les vaisseaux. La première chose qui frappa les regards de Bertel, quand il commença à réfléchir, ce fut un ciseau d’artiste, et quelques ouvrages qui ressemblaient à de la sculpture. Il alla fort peu de temps à l’école et n’y apprit presque rien[1]. À l’âge de onze ans, il commença à fréquenter les cours gratuits de dessin, et il ne tarda pas à s’y distinguer par son application. Il passa successivement par l’école linéaire, par l’école de bosse et de dessin. En 1787, il concourut et gagna une médaille d’argent. Il était à cette époque d’une nature excessivement calme, très sérieux, parlant peu et travaillant avec ardeur. Lorsqu’il avait une fois pris son crayon, ses camarades essayaient en vain de le distraire. Il restait la tête penchée sur son ouvrage et ne répondait à leurs questions que par des monosyllabes. Malgré les éloges qu’il avait plus d’une fois reçus, son ambition fut lente à s’éveiller. Son père voulait l’associer à ses travaux de ciseleur, et il n’avait rien à objecter à la volonté de son père. Souvent il allait lui porter à dîner sur quelque navire en construction, et tandis que le pauvre ouvrier se reposait de son labeur du matin, l’enfant prenait le ciseau et achevait de découper une fleur, ou de modeler une figure. Cependant les succès qu’il avait obtenus à l’académie avaient déjà fait quelque bruit, à en juger par une anecdote que rapporte M. Thiele[2]. Bertel s’était présenté à l’église pour être confirmé. Le prêtre le voyant assez mal habillé et fort peu instruit, ne fit d’abord pas grande attention à lui ; mais quand il eut entendu prononcer son nom, il lui demanda si c’était son frère qui avait remporté un prix à l’académie de dessin. – Non, monsieur, dit Bertel, c’est moi. — Dès ce moment le prêtre le traita avec une sorte de distinction et ne l’appela plus que monsieur Thorvaldsen.

En 1789, il gagna un second prix. Son père, le trouvant alors aussi instruit qu’il pouvait le désirer, voulait le faire sortir de l’école ; mais ses professeurs s’y opposèrent, et il consacra une partie de la journée à ses études, le reste du temps il l’employait à travailler pour sa famille. On voit encore à Copenhague plusieurs sculptures de lui qui datent de ce temps-là. L’époque du grand concours approchait. Thorvaldsen n’avait d’abord pas envie de s’y présenter. Il était retenu tout à la fois par un sentiment d’orgueil et par un sentiment

  1. On raconte qu’à l’âge de dix-sept ans, se trouvant mêlé à une société de jeunes gens qui voulaient jouer la comédie, il fut obligé de renoncer au rôle qui lui avait été confié, parce qu’il ne pouvait le lire.
  2. Thorvaldsen og hans Vœrker, 4 vol. in-4o. Copenhague, 1831.