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Deux manières s’offraient à lui de traiter la question du doute. Il pouvait comprendre ce mot dans son acception la plus large et attaquer le scepticisme non pas seulement dans ses rapports avec une foi déterminée, mais dans son influence universelle qui s’applique à l’amour, à la philosophie, à la science aussi bien qu’au dogme chrétien. Il pouvait aussi limiter sa tâche et ne combattre que le doute religieux ou le doute du cœur. M. Pécontal s’était arrêté à ce point de vue moins vaste de la question. Son livre avait pour but de réfuter le doute religieux. Pour réaliser cette donnée, il lui fallait personnifier la foi chrétienne et le doute chrétien. L’un de ses personnages représente en effet la foi chrétienne ; c’est le prêtre. Mais Volberg ne figure pas avec une égale exactitude le doute chrétien. Volberg est au contraire une personnification du doute universel. Aussi le dénouement n’est-il pas vraisemblable. Il est absurde, que des raisonnemens tirés de Jocelyn réussissent à convaincre Manfred.

Le style de Volberg prouve que M. Pécontal a déjà quelque habitude de la forme poétique ; en général, il est supérieur à celui des poèmes ou des odes qui révèlent chaque année au public indifférent une ambition ridicule et promptement déçue. Mais M. Pécontal fera bien de traiter désormais de moins vastes sujets, de s’imposer une tâche plus facile et qui l’expose moins à imiter maladroitement de belles œuvres. L’ode ou l’élégie conviendraient peut-être mieux au talent de M. Pécontal que le poème philosophique. Ainsi contenue, sa pensée s’exprimerait sans doute avec plus d’éclat et d’originalité.

Nous ne passerons point de la critique d’ensemble à la critique de détails. Nous ne croyons pas devoir insister sur les taches du style, sur les rimes hasardées, et autres incorrections. Le mépris des poètes pour ces minuties, est un fait bien connu. Toutefois nous recommandons à M. Pécontal de ne plus confondre, comme il l’a fait dans sa préface, M. Casimir Delavigne avec Gœthe et lord Byron. L’élégante versification du Paria et des Messéniennes, ne peut valoir en aucune manière à M. Delavigne le rang que lui accorde si complaisamment M. Pécontal parmi les premiers poètes du siècle. Une semblable erreur, si elle se répétait, ferait mettre en doute l’instinct poétique de l’auteur de Volberg, et le public serait fondé cette fois à traiter son œuvre avec indifférence.


— Une des parties les plus intéressantes et les moins connues de l’histoire de notre littérature dramatique vient d’être traitée par M. Onésime Leroy dans un livre intitulé : Études sur les mystères dramatiques et sur les manuscrits de Gerson. M. Leroy est remonté aux meilleures sources, et son ouvrage est presque entièrement rédigé d’après des manuscrits d’un haut intérêt. Les qualités d’une œuvre littéraire s’y allient d’ailleurs à celles d’un bon travail historique. Une critique judicieuse accompagne les recherches savantes et un style élégant leur prête un attrait de plus. Nous reviendrons sur ce livre intéressant, auquel le Roi vient de souscrire pour ses bibliothèques.


F. Buloz.