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nais, de casques brillans, de bannières flottantes nous fermer la route, il n’est pas besoin de nous demander si nous fûmes en grand souci ; vous nous cachâtes entre Benc et Final. De tous côtés nous entendions retentir les cors et les clairons et le cri de guerre. Nous passâmes deux jours sans boire ni manger. Le troisième, étant sortis de notre retraite, nous rencontrâmes, dans le Pas-de-Belestar, douze brigands qui allaient butiner. À ce coup nous ne savions que devenir car nous ne pouvions nous servir de nos chevaux. À pied je me précipitai contre eux. Je reçus un coup de lance dans mon gorgerin, mais seul j’en blessai trois ou quatre, et les autres furent contraints de fuir. Bertaldon et Hugonet me virent blessé et se hâtèrent de venir à mon secours, et quand nous fûmes trois, nous débarrassâmes le passage, de sorte que vous pûtes continuer votre route en sûreté. Quel joyeux repas nous fîmes alors sans avoir plus qu’un pain, et sans pouvoir nous laver ! Le soir nous arrivâmes à Nice chez Puyclair. Il nous reçut très amicalement, et il vous aurait donné sa fille, la belle Aigleta, si vous y aviez consenti. Le lendemain matin, vous, comme un seigneur et grand baron, vous fîtes magnifiquement récompenser votre hôte. Vous donnâtes Aigleta à Hugue de Montélimar et vous fiançâtes Anselmet avec Jacobina. »

Ce qui, plus que tout le reste, empêche de révoquer en doute la réalité de la chevalerie, c’est que c’était un ordre dans lequel on était admis après certaines cérémonies, un ordre comme la prêtrise ; je reviendrai sur ce rapprochement quand je traiterai des rapports de la chevalerie et de l’église, souvent comparées par les auteurs contemporains.

À l’ordre de chevalerie étaient attachées certaines prérogatives : la plus importante était de ceindre l’épée, de la porter attachée à la ceinture militaire, signe primitif de la distinction chevaleresque. Dans l’origine, on était créé chevalier par le don de la ceinture et de l’épée ; il en est résulté qu’au moyen-âge, le chevalier seul pouvait porter l’épée à la ceinture ; les autres personnes la suspendaient à un baudrier qui passait sur l’épaule, comme on fait maintenant du briquet. Selon Busching, la première manière de porter l’épée était celle des Franks, et la seconde celle des Goths, ce qui explique pourquoi la première était réputée la plus noble. Une autre prérogative du chevalier était remarquable : dans un procès, s’il gagnait, il recevait un double dédommagement, et, s’il perdait, il payait le double. Les chevaliers étaient soumis à des devoirs particuliers. Dans le code espagnol des Siete partidas rédigé par Alphonse X, au xiiie siècle, cer-