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LE MAROC.

même plusieurs villages ou adouars de la sauvage tribu d’Angiara et des troupeaux dispersés autour ; on aurait pu se croire en vue de quelque île sauvage de la mer du sud. Une vaste montagne commande la rive. C’est celle que les Romains appelaient le mont des Sept-Frères à cause des sept pics égaux dont elle est couronnée. Des géographes cherchent l’étymologie de Ceuta, dont le nom primitif était Septum ou Septa, et que les Maures appellent encore Sebta.

La ville de Ceuta se présente fort bien du côté de la mer. À peine étions-nous en rade, que le capitaine du port vint nous reconnaître ; nous débarquâmes aussitôt et nous nous rendîmes chez le commandant de la place don Carlos Espinoza ; je l’avais connu en Espagne, et je reçus de lui l’accueil le plus hospitalier. Quand j’avais eu l’intention de me rendre à Ceuta par terre, je lui avais écrit par une barque de Tétouan, afin qu’il donnât à la porte l’ordre de me recevoir quand je me présenterais ; on m’avait dit la précaution nécessaire, parce que l’entrée de terre est interdite à tout le monde. Ma lettre avait été fidèlement remise au commandant, et il venait, le matin même, de m’envoyer un courrier à Tanger pour me prévenir que les ordres étaient donnés et qu’il m’attendait. Sa surprise fut grande en me voyant arriver de Gibraltar, tandis qu’il me croyait encore à Tanger. Don Carlos Espinoza est l’un des généraux les plus intègres et les plus sincèrement patriotes de l’armée espagnole ; ce fut lui qui, en 1820, se compromit le premier à la Corogne où il était capitaine-général. La restauration le persécuta, et il ne trouva un peu de calme et de sécurité qu’à la mort de Ferdinand VII. Il rentra alors dans les affaires, mais ses principes étaient trop démocratiques et son caractère point assez souple pour Martinez de la Rosa. Après avoir été capitaine-général des provinces les plus importantes de la monarchie, il venait de recevoir le commandement de Ceuta, ce qui équivalait à une disgrace et presque à un exil. Il est revenu en Espagne à l’époque des juntes et commanda à cette époque l’Andalousie. Il nous fit les honneurs honteux du poste où on l’avait relégué.

Ceuta est le préside le plus important que l’Espagne ait conservé sur la côte d’Afrique. Cette ville a passé successivement par toutes les dominations ; tour à tour romaine, vandale, gothe, arabe, génoise et arabe de nouveau, elle fut attaquée par les Portugais en 1409, et enlevée aux Maures six ans après, par le roi Jean ; dès-lors elle demeura au Portugal jusqu’en 1668, époque où elle fut cédée aux Espagnols par un article du traité de Lisbonne. En 1697, elle soutint un