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LES SOURCES DE ROYAT.

indiquée par les mêmes procédés que la partie sombre du feuillage. Les maisons placées au fond, vers la droite, sont d’un travail moins pur et moins satisfaisant que les maisons du second plan. À proprement parler, elles n’ont aucune solidité. Elles ressemblent plutôt à des lames coupées verticalement dans un édifice qu’à des maisons complètes. On dirait que le jour peut les traverser librement, ou du moins qu’elles n’ont pas d’épaisseur appréciable. C’est là sans doute un grave défaut, et je ne songe pas à le masquer, mais si grave qu’il soit, il ne détruit pas l’effet général de la composition, et les Sources de Royat, comme les meilleurs tableaux de M. Huet, charmeront tous les yeux par la vivacité de la couleur, par l’harmonie et la pureté des lignes.

Il est probable cependant que les Sources de Royat soulèveront une objection que, jusqu’ici, nous n’avons pas mentionnée, mais qui mérite d’être discutée. Plusieurs personnes, dont le goût ne peut être révoqué en doute, reprochent à la gravure de M. Huet de manquer de profondeur. Sans accepter ce reproche dans toute son étendue, je ne le crois pas dénué de justesse. La forme choisie par l’auteur en atténue un peu la portée ; car un paysage dont la hauteur excède la largeur, n’est pas soumis aux mêmes conditions qu’un paysage dont la largeur excéderait la hauteur. Quoique la perspective régisse avec une égale sévérité toutes les formes et toutes les distances, il ne faut pas oublier que le sujet principal des Sources de Royat n’est autre qu’une chute d’eau ; et, pourvu que ce sujet soit bien rendu, il est permis d’être indulgent sur les parties accessoires. Je ne dois pas nier que l’encadrement de la chute d’eau, c’est-à-dire les terrains et les maisons, ne paraissent désobéir aux lois de la perspective. Cependant cette désobéissance n’est pas aussi sérieuse qu’on pourrait le penser au premier aspect. Les lignes générales, qui constituent la perspective proprement dite, sont bien tracées, mais le contour des objets compris dans ces lignes manque de précision, de fermeté, et c’est à la mollesse de ce contour qu’il faut attribuer le reproche adressé à la perspective de cette composition.

Dès que M. Huet, éclairé par l’opinion publique et par ses études personnelles, comprendra toute la valeur, toute l’importance du contour, dès qu’il aura la ferme volonté d’écrire avec précision la forme des plantes, des terrains et des murailles, il réunira, nous en avons l’assurance, la majorité des suffrages. Si tous ses ouvrages n’obtiennent pas une égale admiration, du moins ils ne risqueront pas d’être compris à demi ; car le défaut de précision dans les contours mène fatalement à l’obscurité. Les Sources de Royat sont un bel ouvrage qui ferait honneur aux plus habiles ; dès que l’auteur voudra, il fera mieux encore.


Gustave Planche.