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laquelle on débat une récompense nationale, et le prix de la vie d’un brave général, tué sur la brèche, dans une expédition victorieuse.

Nous ne nous faisons les rapporteurs du travail, peu remarqué, des bureaux de la chambre des députés, que pour prouver que la dispute du frac noir et de l’habit brodé n’a pas absorbé tous ses instans. On voit que nous voudrions bien, autant qu’il est en nous, justifier la chambre des puérilités qu’on lui prête ; mais nous ne pouvons nous dissimuler qu’elle a donné un fâcheux spectacle en cette circonstance. Existe-t-il aujourd’hui un habit de cour, comme le répètent quelques députés, et un habit du peuple, comme le disent avec emphase quelques autres ? Qu’est-ce qu’un habit de cour que tout le monde peut porter ? Et le maître de la maison, comme on l’a nommé spirituellement, le maître de la maison qui admet à sa table et à ses fêtes des maires de village et des sous-lieutenans de la garde nationale, a-t-il sérieusement le projet de fonder une cour, comme on le dit ? La question même du costume, est-ce au château ou à la chambre qu’elle a été soulevée et qu’elle a donné lieu à dispute ? Les fracs noirs des députés (nous en avons vu de bleus et de bruns, n’en déplaise à l’opposition), les fracs noirs ont-ils rencontré le moindre obstacle ? Ne les avons-nous pas vus gravir fièrement les escaliers des Tuileries ; et les augustes hôtes de ce palais ne les ont-ils pas reçus avec leur affabilité ordinaire ? Il ne faut donc pas étendre cette question et agrandir une chose si mince. L’affaire du costume n’est rien qu’une sorte de petite altercation entre députés, et nous serions plus exacts en disant entre quelques députés. Si donc plusieurs d’entre eux ont voulu donner un costume à la chambre, ç’a été une fantaisie et une inspiration dont personne ailleurs ne doit répondre.

Assurément (et les observateurs n’ont pas manqué), le ministère n’a porté aucun intérêt à toute cette discussion ; on n’a vu s’y mêler aucun membre de la chambre un peu influent, si ce n’est M. Thiers, qui a parfaitement fait ressortir la futilité de la question, en parlant contre le costume, après avoir déclaré qu’il en porte un, et qui a rejeté en riant l’honneur d’être commissaire de son bureau pour une affaire d’habits. Cet honneur a été déféré à un homme qui le mérite mieux que M. Thiers, à M. Auguis, qui devra, s’il veut être conséquent avec lui-même, proposer l’adoption du frac vert-jaune, qui est son costume habituel. L’opposition du frac noir a beau s’envelopper de cette couleur grave, elle a aussi beaucoup de futiles paroles à se reprocher dans cette discussion. Il n’y a qu’un mot à dire à MM. les députés : sous quelque habit qu’ils se présentent, ils ne seront jugés que sur leurs discours et sur leurs votes. Le reste n’est rien. « Mangez un veau, et soyez chrétien, » disait le père Feuillet au frère, un peu libertin, de Louis XIV, à Monsieur, qui reculait devant un biscuit qu’on lui offrait un jour de jeûne. — Venez en veste de ratine ou en habit de velours, mais soyez les défenseurs de l’ordre et de la liberté, dirons-nous aux députés qui hésitent sur le costume.

Dans peu de jours, ces débats s’absorberont dans des questions vraiment