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REVUE. — CHRONIQUE.

ministériels du parlement, fut d’anéantir à la fois la rébellion et les rebelles au nom de cette vieille maxime, bonne en soi, qui veut qu’on ne transige pas avec des insurgés. L’opposition radicale eut son premier mouvement, non moins fougueux, dont elle n’est pas revenue, il est vrai. De ce côté-là, il s’agissait tout simplement de déclarer l’indépendance absolue du Canada, fondée en principe sur les coups de fusil que Papineau et ses amis ont tirés pour l’obtenir. C’était là une plus mauvaise méthode encore que celle de l’extermination, et qui n’eût pas produit des désastres moins grands. Quelques jours de réflexion suffirent pour amener le bill qui a fait le sujet de la discussion, et dont le préambule était une consécration des droits, par conséquent des griefs du Canada contre l’administration établie par l’Angleterre. Amendé tel qu’il est par sir Robert Peel, le bill est encore la reconnaissance du droit que possède le Canada de traiter comme état constitutionnel avec l’Angleterre, autre état constitutionnel qui le régit à de certaines conditions. Lord Durham n’est donc qu’un haut commissaire de l’Angleterre, chargé de remettre ces conditions en équilibre. C’est la seule mission qu’il accepte, et il a manifesté l’intention de retourner en Angleterre dès qu’il l’aura remplie. Il est beau, en revenant d’une longue mission en Russie, et après y avoir été l’objet de la faveur du souverain, de rapporter une aussi grande pureté de vues constitutionnelles. Lord Durham sera sans doute accueilli comme il doit l’être au Canada, où la première effervescence est déjà calmée, et ce qui semblera manquer au bill aux yeux des membres du conseil du Canada, on l’attribuera à sir Robert Peel et aux tories, non à lord Durham et à lord John Russell. Un des côtés du caractère de Lord Durham, qui est de se passionner pour la tâche qu’il accepte et d’éprouver une sorte de fièvre jusqu’à ce qu’il l’ait accomplie, le servira encore dans cette circonstance. On peut donc conjecturer d’avance que l’Angleterre se tirera passablement de ce mauvais pas, et que l’esprit de justice et de modération qui domine aussi dans le ministère de l’autre côté du détroit le fera durer, comme il fait durer le ministère de l’amnistie.

Il est beaucoup question des envahissemens d’Abd-el-Kader. Il paraît que la politique de justice et de modération, que M. Molé nous a si bien fait apprécier en France, ne nous profite guère en Afrique. La nécessité de laisser au complet l’armée est ainsi rendue évidente. Le traité de la Tafna n’a cependant pas été une faute ; car il est bien différent d’entreprendre une expédition après en avoir terminé une victorieusement, que d’en commencer deux à la fois. Le ministère ne veut pas plus la guerre en Afrique qu’il ne la veut en Espagne et sur le Rhin ; mais il la fera, sans nul doute, plutôt que de perdre un pouce de ce qu’il s’est réservé par les traités. Nous donnerons plus tard des détails précis sur la situation d’Abd-el-Kader et sur nos rapports avec lui.

À Naples a eu lieu une petite révolution de palais, qui a été mal rapportée. Le baron de Schmuker, secrétaire des commandemens de la reine-mère, a été, dit-on, arrêté par ordre du roi, et conduit aux frontières, malgré la