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fondation qu’il sut appuyer dès l’abord sur des hommes tels que Danès, Vatable, Ramus et Budée. La chaire de philosophie grecque et latine, que la démission de M. Jouffroy venait de rendre vacante, remonte par sa création à l’année 1543. M. Barthélemy Saint-Hilaire, désigné pour cette chaire, en a pris possession vendredi dernier. Son cours, qui sera consacré cette année à la logique d’Aristote, paraît destiné pour long-temps à l’exposition et à l’histoire du péripatétisme. Nous ne doutons pas que cet enseignement ne se distingue par une érudition saine et une philologie sûre. La traduction complète d’Aristote qu’a entreprise M. Saint-Hilaire indique à elle seule une persistance philosophique qui ne peut manquer de donner à ce cours des qualités vraiment solides. À cette heure que les grands recueils historiques sont devenus presque impossibles, et que le Collége de France n’a pas plus son Goujet, que l’université n’a son Du Boulay ou son Launoy, c’est à la presse de remplir ce but, autant du moins qu’il est en elle. Aussi la Revue a-t-elle inséré volontiers le discours d’ouverture de M. Saint-Hilaire. Tout ce qui touche à l’aristotélisme a acquis une valeur nouvelle par les travaux récens sur le Stagyrite. Le beau travail d’un concurrent de M. Saint-Hilaire, que son âge a écarté, M. Ravaisson, a eu, en ces derniers temps, assez de retentissement, et les sujets mis au concours par l’Académie des sciences morales ont assez ramené l’attention sur le péripatétisme, pour qu’on n’ait plus besoin, comme au xviiie siècle, de se justifier lorsqu’on parle d’Aristote.


Messieurs,

Le sentiment le plus vif que j’éprouve en paraissant pour la première fois dans cette enceinte, c’est le besoin de témoigner hautement ma gratitude pour le corps illustre qui a bien voulu m’y appeler par son choix ; c’est le besoin de faire remonter cet hommage jusqu’à notre cher pays lui-même, dont la générosité, admiration et exemple de l’Europe, assure de libres tribunes à tous les enseignemens, encourage tous les efforts, récompense tous les travaux utiles, et dont j’ai déjà moi-même, ailleurs qu’ici, reçu les bienfaits. Je suis heureux et fier de voir s’accroître la dette de ma reconnaissance ; et je m’efforcerai de l’acquitter en redoublant d’énergie et de persévérance dans la vaste et laborieuse carrière où m’ont soutenu tant d’honorables suffrages, où me soutiendra, je l’espère aussi, messieurs, votre bienveillance si nécessaire aux débuts de ce cours.

Je resterai fidèle au titre de cette chaire et aux devoirs qu’il m’impose. Je n’oublierai pas que vous venez chercher ici l’histoire entière de la philosophie grecque et celle de la philosophie latine ; je n’oublierai pas que je vous dois l’examen de toutes les écoles, de tous les systèmes, de toutes les questions, qui composent le trésor de l’antiquité philosophique. Mais dans cette période immense de deux mille ans qui s’étend depuis Thalès jusqu’à la prise de Constantinople, il faudra, chaque année, limiter nos investigations, en