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LES ÎLES SHETLAND.

avec lui. Si on le poursuit en le menaçant, on est certain de ne jamais l’atteindre, car il n’y a pas de jambes d’hommes qui valent à la course les jambes nerveuses d’un espiègle sheltie ; il faut donc patienter, flatter l’animal rebelle de la voix et du geste, et lui faire toutes sortes d’avances. Il en est auxquelles le poney est fort sensible. Si on tire, par exemple, un morceau de pain de sa poche et qu’on lui en jette quelques miettes, le sheltie les ramasse avec avidité et ne peut résister à la tentation qui le pousse à venir manger le reste du morceau dans la main de l’homme, qu’il ne regarde jamais comme un ennemi, quelque mauvais tour qu’il lui ait joué et quelque rude correction qu’il ait méritée. Le soir, quand on a fini sa journée, on ôte au poney la bride et la selle et on lui rend la liberté. Au moment des adieux, le sheltie se montre quelquefois si caressant, qu’il faut bien lui payer sa gentillesse par quelques poignées de paille ou une tranche de pain d’avoine. Dans les îles Shetland, comme on le voit, ce n’est pas le postillon, c’est le cheval qui demande son pour-boire.

Ces petits chevaux sont très communs dans toutes les principales îles, où ils errent par bandes, en compagnie des oies, des porcs et des chèvres, car ils aiment la société. Quelquefois, quand ils se réunissent par troupes, et que les orges et les avoines approchent de la maturité, ils font de grands dégâts dans les terres cultivées ; mais il suffit d’un enfant armé d’un bâton, qui les menace en criant, pour les écarter tout le jour ; le soir la détonation d’un pistolet mettrait en fuite un escadron de shelties. Ces troupes de shelties deviennent-elles trop nombreuses, et leurs invasions trop répétées, les lairds du pays, sur les domaines desquels ces animaux vivent, ont un moyen fort simple de s’en débarrasser. Ils font saisir tous ceux qu’ils peuvent atteindre et qui portent leur marque (quelles que soient leurs habitudes de vagabondage, chaque poney a sur la croupe la marque de son propriétaire) ; ils en chargent une barque ou un navire qu’ils expédient à Leith, à Glasgow ou même à Londres, où l’on vend la cargaison à bas prix. Dans ces occasions, lorsque le navire qui porte les poneys a fait un rapide et heureux trajet, on vend chaque bête, au moment du débarquement, une trentaine de shillings au plus. C’est un charmant cadeau qu’un mari ne peut refuser à sa femme, quand des hautes régions du tandem, elle veut descendre au poudreux terre-à-terre du phaéton. Une couple de poneys des Shetland, conduits par un postillon de quarante pouces de haut au plus, c’est l’attelage prédestiné de la petite causeuse à quatre roues. Un bon père de famille dont les enfans ont du goût pour l’équitation, ne