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DE LA CHEVALERIE.

gueur. Don Quichotte rencontre des galériens, il s’en approche et leur demande si c’est de leur plein gré qu’on les conduit aux galères ; ces hommes affirment qu’ils n’y vont que parce qu’ils y sont forcés. — Vous êtes donc des opprimés, des faibles qu’on accable ? dit don Quichotte ; je suis un chevalier ; la chevalerie m’ordonne de prendre parti pour vous. » Il met la sainte hermandad en fuite et délivre les galériens qui reconnaissent ce service par une grêle de pierres. Plus tard on apporte à leur libérateur un mandat d’amener ; son étonnement n’a pas de bornes et il s’écrie : « Quel est l’ignorant qui a signé un mandat d’amener contre moi ? Qui ne sait que les chevaliers errans sont hors de toute juridiction criminelle, qu’ils n’ont de loi que leur épée, de règlemens que leur prouesse, de codes souverains que leur volonté ? » En effet, la chevalerie avait ses lois, ses règlemens, son code, et si l’on en suivait l’esprit jusqu’aux dernières conséquences, on arrivait comme don Quichotte à délivrer les voleurs et à mettre la maréchaussée en déroute.

Je termine en disant un mot des ordres chevaleresques, institutions particulières au sein de l’institution générale. Ces ordres doivent être divisés en deux classes ; on doit distinguer les ordres sérieux nés la plupart des croisades, ayant un but réel, et dont les principaux sont les templiers, l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, l’ordre des chevaliers teutoniques ; et les ordres frivoles, postérieurs aux premiers, et n’ayant aucun but important, tels que l’ordre de la Jarretière, celui de la Toison-d’Or, etc. Quant aux ordres sérieux, ils avaient, outre les règlemens généraux que l’usage imposait partout à la chevalerie, des règlemens spéciaux. Comme les ordres monastiques, ils avaient une règle et un chef, et, au sein de cette organisation plus forte, plus serrée, déployaient avec d’autant plus d’énergie les qualités chevaleresques. Leur mobile était bien la générosité, la protection des faibles ; car ils furent institués pour protéger les pélerins en Terre Sainte, et pour secourir ce qui ne pouvait se défendre, le tombeau même du Christ. Leur caractère monastique leur interdisait l’autre mobile de toute chevalerie, l’amour ; dans leur chevalerie religieuse, austère, le culte des dames ne pouvait trouver place, mais ce culte absent fut représenté par un dévouement particulier à la Vierge ; ainsi, les chevaliers de Malte, dernière transformation des hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, invoquaient la Vierge en recevant leur épée. Les chevaliers teutoniques prenaient le nom de chevaliers de la Vierge ; les terres qu’ils conquéraient sur les infidèles du nord de l’Europe, ils les appelaient terres de Marie ; ils avaient