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HISTOIRE DE LA MARINE FRANÇAISE.

tendre au-delà des murs de la ville et de gagner l’intérieur du pays, ne laissaient rien à faire aux troupes de terre, et exigeaient, au contraire, que les vaisseaux fussent toujours en campagne, soit pour pourvoir aux approvisionnemens, soit pour repousser les secours qu’apportaient les flottes ennemies. Ce fut M. de Valbelle, brave officier et spirituel écrivain, qui ouvrit la campagne.

Le 3 janvier 1675, avec six vaisseaux chargés de renforts et d’avitaillemens, il force le passage du Phare, défendu par une flotte espagnole forte de vingt-trois vaisseaux et dix-neuf galères, et soutenue par le canon des forts qui protégeaient la côte. Un mois après, Vivonne, venant prendre possession de la vice-royauté, met en fuite, avec huit vaisseaux, la flotte espagnole, qui, ses galères comprises, en comptait quarante. Puis Tourville, avec un seul vaisseau et un brûlot, va incendier le port et la ville de Reggio, malgré la vive résistance du fort, qui est lui-même détruit en partie par une explosion. Puis, c’est encore Tourville qui prend Agosta, une des places les plus importantes de la Sicile, et cela en quelques minutes, pour ainsi dire, « dans des lieux où, selon ses propres paroles, des Français eussent tenu trois mois. Je ne vous conterai pas, dit-il encore ailleurs, les particularités d’une aventure dont la fortune mérite toute la gloire. J’aurais intérêt qu’il n’en fût pas ainsi, puisque personne ne partage avec moi la gloire d’avoir pris le fort d’Avolas, qui est la première, la plus forte et la plus importante des cinq forteresses, et que c’est cette prise qui a donné le branle à tout le reste. Mais les Espagnols y ont plus contribué ni que moi, ni que personne ; et sans leur négligence et leur lâcheté, ils seraient encore maîtres de ce poste, qui est plus important qu’on ne saurait se l’imaginer. J’avoue que la manière brusque dont on les attaqua mérite des louanges, et que ce fut en partie ce qui étonna les ennemis ; mais enfin, si des Français avaient fait la même chose, ils seraient déshonorés, et ils mériteraient d’être punis. » Après Tourville, c’est d’Almeiras qui, à la vue de tout Messine, avec dix vaisseaux et brûlots, donne la chasse aux Espagnols, qui n’osent accepter le combat avec quinze vaisseaux, trois brûlots et neuf galères.

Mais ces faits d’armes ne sont qu’un prélude, et ne peuvent guère compter que comme des escarmouches auprès de ce qui va suivre. Bientôt Ruyter et Duquesne, les deux plus grands hommes de mer de l’époque, vont se trouver en présence, et de grandes armées navales vont se disputer la prépondérance. Le 17 décembre 1675, Duquesne part de Toulon. Ruyter, qui cherchait à se joindre avec la flotte espagnole, avait passé le détroit de Gibraltar, et croisait sur la route que devait suivre la flotte française. Interrogé par un capitaine de vaisseau anglais qui le rencontre, et qui lui demande ce qu’il fait dans ces mers, il répond : « J’attends le brave Duquesne. » Le 7 janvier 1676, le brave Duquesne présente la bataille à Ruyter. Le premier avait vingt vaisseaux et six brûlots ; le second, douze grands vaisseaux, douze médiocres, quatre brûlots, deux flûtes et neuf galères, selon la relation de Valbelle, qui