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LA DERNIÈRE ALDINI.

— Monsieur le comte, dit-il à Nasi, vous parlez de sottes démarches. Qu’appelez-vous sottes démarches, je vous prie ?

— Vous donnerez à mes paroles l’explication que vous voudrez, monsieur.

— Vous m’insultez, monsieur ?

— C’est vous qui en êtes juge, monsieur. Pour moi, cela ne me regarde pas.

— Vous me rendrez raison, je présume ?

— Fort bien, monsieur.

— Votre heure ?

— Celle que vous voudrez.

— Demain matin à huit heures, dans la prairie de Maso, si vous le voulez bien, monsieur. Mes témoins seront ces messieurs.

— Très bien, monsieur ; mon ami que voici sera le mien.

Hector me regarda avec un sourire de dédain, et, emmenant à l’écart Nasi avec ses deux compagnons, il lui dit :

— Ah ! ça, mon cher comte, permettez-moi de vous dire que c’est pousser la plaisanterie trop loin. Maintenant qu’il s’agit de se battre, il faudrait, ce me semble, un peu de sérieux. Mes témoins sont gens de qualité : monsieur est le marquis de Mazzorbo, et voici monsieur de Monteverbasco. Je ne pense pas que vous puissiez leur associer comme témoin ce monsieur à qui j’ai fait donner 20 francs l’autre jour pour avoir accordé un piano chez ma mère. Vraiment, je n’y conçois rien. Hier, on découvre que ce monsieur a une intrigue avec ma cousine, et aujourd’hui vous nous dites que c’est votre ami intime. Veuillez nous dire au moins son nom.

— Vous vous trompez positivement, monsieur le comte. Ce monsieur, comme vous dites, n’accorde point de pianos, et n’a jamais mis le pied chez votre cousine. C’est le signor Lélio, l’un de nos plus grands artistes, et l’un des hommes les plus braves et les plus loyaux que je connaisse.

J’avais entendu confusément le commencement de cette conversation, et, voyant qu’il s’agissait de moi, je m’étais rapproché assez rapidement. Quand j’entendis le comte Hector parler tout haut d’une intrigue à propos d’Alezia, la mauvaise humeur où m’avait mis ce combat engagé sans moi se changea en colère, et je résolus de faire payer à quelqu’un de nos adversaires la fausseté de ma position. Je ne pouvais m’en prendre au comte Hector, déjà provoqué par Nasi ; ce fut sur M. de Monteverbasco que tomba l’orage. Le digne gentillâtre, en apprenant mon nom, s’était contenté de dire d’un air étonné :