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ils fréquentaient les lieux publics, les tavernes, les réunions, et s’en revenaient dans leur famille, comme le Jean de Paris de Holberg, avec un engouement ridicule pour tout ce qu’ils avaient vu ailleurs, et un dédain profond pour tout ce qu’ils retrouvaient autour d’eux.

Le XVe siècle semblait promettre au Danemark des jours meilleurs. En 1474, Chrétien Ier, qui avait fait un voyage à Rome, obtint une bulle du pape pour fonder l’université de Copenhague ; il écrivit à tous les évêques de son royaume afin de leur recommander la nouvelle école ; lui-même la prit sous son patronage, et lui donna pour vice-chancelier un des hommes les plus instruits de son temps, Pierre Albertsen. En 1478, Albertsen partit pour l’Allemagne, et ramena de Cologne plusieurs professeurs. L’université fut inaugurée le 16 mai 1479. Pour augmenter le nombre des élèves, le roi Jean défendit à tout Danois d’entrer dans une université étrangère avant d’avoir passé trois ans à celle de Copenhague : Chrétien II renouvela cette ordonnance. Mais toutes ces mesures furent inutiles ; l’université était mal pourvue de maîtres et mal dotée ; elle déclina peu à peu, et les troubles civils qui éclatèrent en Danemark au XVIe siècle la paralysèrent entièrement. De 1530 à 1537, on n’élut point de recteur. L’étudiant renonça à ses études, le professeur abandonna sa chaire, l’école fut déserte : elle ne se releva de son anéantissement qu’à l’époque de la réformation.

Tout ce qui se faisait en Europe pour le progrès de la science n’arrivait en Danemark que très lentement. Gutemberg avait découvert l’imprimerie depuis un demi-siècle ; à Copenhague on n’avait encore que des manuscrits, et Pierre Albertsen donnait à l’université, comme une collection d’un grand prix, une bibliothèque de vingt volumes. Ce fut lui pourtant qui fit venir à Copenhague un imprimeur : Gottfried de Ghemen, dont la première publication date de 1493 ; c’est une grammaire latine. La seconde, est la Chronique rimée ; elle parut en 1495. Une imprimerie fut établie aussi à Odensée, une autre à Ribe. Mais pendant une grande partie du XVIe siècle, la plupart des livres danois furent imprimés en pays étranger, à Paris, à Cologne, Anvers, Leipzig, Lubec ; c’étaient des rituels, des livres de messe, et quelques romans de chevalerie.

Dans ce mouvement d’études scholastiques, la langue danoise n’avait pas fait de grands progrès. Dès le XIe ou le XIIe siècle, elle commença à se séparer de la langue islandaise. Gram a même fait remonter cette séparation beaucoup plus haut ; il prétend qu’il y a toujours eu quelque différence entre les trois idiomes scandinaves réunis sous le nom générique de Torrœna Tungu, ou de Danska Tungu, et son opinion paraît assez probable.

Les plus anciens monumens de la langue danoise remontent jusqu’au XIIe siècle ; c’est la loi ecclésiastique de Scanie de 1141, la loi de Séelande de 1170. Mais le manuscrit de ces deux lois ne date que du XIIIe siècle. À la fin du même siècle, Henri Harpestreng écrivit un livre sur la médecine. Dans ces premiers essais de la jeune langue, l’élément islandais domine encore à