Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/537

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
533
REVUE. — CHRONIQUE.

Syrie. Sans concevoir de craintes pour la paix de l’Europe, est-ce le moment d’agir, comme si elle ne devait pas être troublée de long-temps. Agir ainsi, ne serait-ce pas plutôt s’ôter les moyens de la maintenir ?

Enfin les dernières nouvelles de la Grèce ne sont pas, dit-on, tout-à-fait rassurantes, et l’affaire du Luxembourg n’est pas terminée, comme on sait. Voilà de grands motifs, non de s’alarmer, mais d’être prudens et de ne prendre que des mesures prospectives, comme disent les Anglais, c’est-à-dire de prévoyance. C’est une nécessité qui frappera dans la chambre, où l’on est du moins d’accord sur un point, la nécessité de faire respecter la France.

Les dernières nouvelles d’Afrique sont bonnes. La plus grande confiance régnait à Constantine, où le commerce avait repris son cours, et se trouvait même plus actif qu’au temps du bey. Achmet s’était retiré à l’extrémité de la régence de Tunis, avec ses femmes et ses serviteurs, mais sans parti, et tout-à-fait isolé. Les nouvelles venues de Bone ne s’étaient pas confirmées, et nul sujet de plainte n’était donné par Abd-el-Kader.

L’Allemagne entière continue à s’occuper des différends du cabinet de Berlin avec la cour de Rome, au sujet de l’affaire de Cologne. C’est une petite guerre de religion, soutenue d’un côté par le catholicisme ultramontain de la Bavière et de la Belgique, et de l’autre par le sévère luthéranisme de la Saxe et du Hanovre. Les journaux de la Prusse elle-même sont beaucoup plus modérés ; mais, au dehors, le protestantisme, froissé par les prétentions du clergé des provinces rhénanes, demande hautement la rupture des concordats conclus avec le saint-siége, exhorte le gouvernement prussien à ne pas faiblir et cherche à ranimer l’impuissante chimère d’une église nationale allemande, qui serait catholique, mais séparée du centre de la catholicité ; nous ne croyons pas que tout cela soit bien grave, et si l’Autriche ne défend pas le roi de Bavière, la Prusse a plus d’un moyen de réduire au silence les journaux bavarois, auxquels une censure, ordinairement si rigoureuse, permet de l’attaquer sans ménagemens.

Le cabinet de Berlin, se voyant ainsi en butte à de perfides accusations, vient de prendre le parti le plus raisonnable et le plus sûr pour mettre l’opinion de son côté : c’est de publier les pièces du procès et de les faire distribuer, avec un mémoire historique très simple et très complet, à toutes les cours de l’Europe. Cette réponse nous paraît victorieuse, et on ne peut plus reprocher à la Prusse que la dureté de la forme dans l’arrestation et l’enlèvement de l’archevêque de Cologne. Pour le fond, il est incontestable qu’elle a entièrement raison. Le prélat dépossédé avait pris des engagemens qu’il n’a pas tenus, engagemens formulés et acceptés sans restriction par son prédécesseur sur le siége de Cologne. Il affirme, il est vrai, que l’étendue de ces engagemens lui était inconnue et devait l’être, puisqu’il s’agissait d’une convention restée secrète entre le gouvernement prussien et son prédécesseur. Mais, dans les longues et patientes négociations engagées avec l’archevêque, le cabinet de Berlin, sans révoquer son assertion en doute, bien