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maël provoque le comte. Un duel à mort s’engage ; l’Arabe a senti, dès les premiers coups, que son adversaire est affaibli par sa blessure ; il se fait une blessure semblable pour égaliser les chances, et la toile tombe sur un combat de mélodrame. On apprend plus tard que les ennemis ont été séparés. Le quatrième acte est consacré à la conversion de Léa. Enfermée dans l’église du Saint-Sépulcre avec son amant, elle adopte facilement sa croyance pour partager plus complètement son sort. La victoire des croisés a dissipé fort à propos le peuple qu’Ismaël voudrait faire servir à sa vengeance. Dès-lors il n’y a plus d’obstacles à ce que Léa soit saluée comtesse de Provence. En effet, le dernier tableau nous la montre dans l’abandon de la tendresse conjugale ; mais bientôt survient Ismaël qui propose à la femme adorée de délaisser pour lui l’époux de son choix, et qui répond à un refus par un coup de poignard.

L’auteur paraît dédaigner le dialogue dont la liberté fait le charme et la puissance du drame, et il procède volontiers par couplets lyriques, dans lesquels certains vers sont ramenés comme des refrains, et les lois de la versification souvent violées avec une sorte de jactance. Cependant on sent dans le Camp des Croisés un souffle d’inspiration jeune et ardente. Peut-être M. Adolphe Dumas a-t-il déjà compris à cette heure qu’une pièce logique dans tous ses développemens, dont l’intérêt repose sur l’étude de l’humanité, vaut mieux que toutes les combinaisons de mélodrame.


— Sous le titre de Fondation de la régence d’Alger, il vient d’être publié, par MM. Rang et Ferdinand Denis, deux volumes qui jettent un grand jour sur les obscures origines d’une ville, dont l’histoire a maintenant pour la France un intérêt national. Cette consciencieuse publication, entourée de tous les précieux renseignemens que peut fournir une érudition variée et une critique sévère, ajoute un important et inconnu document à l’état de la science sur le nord de l’Afrique. Une chronique arabe du xvie siècle, dont la traduction, déposée aux manuscrits de la Bibliothèque du Roi, est due à l’habile orientaliste Venture de Paradis, interprète de Bonaparte en Égypte, ouvre ces deux volumes, après une ingénieuse introduction. Cette intéressante chronique contient l’histoire des deux Barberousse, Aroudj et Khaïr-Eddin, et ajoute de nouveaux faits à ceux déjà révélés en Espagne par Marmol, Sandoval et Diégo de Haédo. Les nombreuses notes jointes à ce récit le complètent, en rapprochant les témoignages des écrivains européens de l’enthousiasme un peu épique du chroniqueur arabe. Un savant tableau de l’expédition de Charles-Quint et un aperçu statistique du port d’Alger terminent l’ouvrage, et donnent à cette publication une valeur contemporaine et actuelle. Le livre de MM. Denis et Sander-Rang trouvera naturellement sa place dans l’examen détaillé que la Revue consacrera bientôt aux diverses publications sur les possessions françaises en Afrique.


F. Buloz.