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ci, étonnés à la première explosion d’un feu qu’ils n’avaient pas prévu, dès qu’ils comprirent que l’ennemi était là, se jetèrent en avant, poussés d’ailleurs et entraînés par les Zouaves, qui accouraient au bruit de la fusillade. Les assaillans ne soutinrent pas ce choc et rentrèrent dans la ville précipitamment et en désordre.

Lorsque les généraux d’artillerie et du génie eurent fait la reconnaissance de la place, il fut décidé que l’attaque aurait lieu par Kodiat-Aty, et qu’il serait seulement établi sur le Mansoura trois batteries destinées à éteindre les feux du front d’attaque et ceux de la Casbah, qui occupe du sud à l’ouest la zone supérieure de la ville. Cependant les deux dernières brigades étaient arrivées avec le convoi qu’elles escortaient, et s’étaient arrêtées sur un plateau un peu inférieur à celui du Mansoura, et que domine le marabout de Sidi Mabrouk. Là elles furent déchargées du dépôt qui leur avait été commis, et elles reçurent l’ordre d’aller occuper la position de Kodiat-Aty. Elles se trouvaient sur la rive droite du Bou-Mesroug, qui un peu plus bas se jette dans le Rummel, à portée du canon de la place. Entre les deux rivières s’élève un haut promontoire s’avançant presque jusqu’à leur jonction, et que distinguent les restes d’un aqueduc romain. Sur ces hauteurs se tenait disséminée par groupes la cavalerie du bey, mais dans une attitude qui révélait une inquiète curiosité à observer nos projets, plutôt que la résolution de les repousser. Tandis que le mouvement se préparait, le ciel, d’abord ardent à travers quelques nuages, s’était entièrement couvert, et lorsque les troupes s’ébranlèrent, la pluie commença. La partie de la division que le colonel Combes dirigeait sous les ordres du général Rulhières, traversa les deux rivières au-dessus de leur jonction. Le reste, sous le commandement immédiat du général, passa au-dessous du confluent. Quand on arrivait sur la rive gauche du Rummel, on se heurtait, pour ainsi dire, contre une pente presque à pic et formée d’une terre grasse et déjà détrempée. Un seul sentier raide et glissant était tracé obliquement sur cette berge et contournait un petit saillant, dont une face est exposée à l’artillerie de la place, tandis que l’autre s’y dérobe. Ce fut par cette voie étroite que défila toute une brigade. La pluie tombait par torrens : elle obscurcissait l’air, fouettait à coups redoublés les visages et entraînait la terre sous les pas. Les généraux Fleury et Rulhières s’engagèrent les premiers dans ce périlleux passage. Un aide-de-camp du général Fleury, presque à l’instant où il atteignait la limite extrême de l’espace parcouru par les projectiles de l’ennemi, fut emporté par un boulet. À mesure que les compagnies dépassaient la crête, elles se déployaient et se portaient du côté de la ville. Sur la foi des souvenirs de 1836 et de la vigoureuse sortie par laquelle les assiégés avaient troublé alors la prise de possession de ce même terrain, on s’attendait à chaque instant à voir paraître l’ennemi ; mais il ne vint pas, et la position fut occupée sans que l’on eût tiré un seul coup de fusil. Du côté de la ville, le contrefort de Kodiat-Aty s’arrondit et se termine par une berge fort abrupte et coupée de ressauts de terrain qui, en plusieurs endroits, s’étagent comme en escaliers. En dedans il se relève et forme une sorte de rebord demi-circu-