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LES CÉSARS.

deux des sœurs de Caïus ont subi la même peine pour de pareils crimes ; les amans de toutes ces femmes ont été punis de mort par le rigorisme des Césars. La moralité des vieilles lois romaines devenait en pareil cas singulièrement utile.

Mais, en d’autres occasions, c’est Drusille, maîtresse de son frère (scortum fratris ), qui est faite déesse ; c’est Livie, qui, encore enceinte, est, du consentement de son mari, épousée par Auguste ; c’est Livia Orestilla que l’empereur Caïus se fait amener, répudie au bout de quelques jours, exile au bout de deux ans ; c’est Lollia Paulina qu’il enlève à son mari sur la renommée de beauté de sa grand’mère, et que, peu de jours après, il renvoie en lui défendant de s’unir jamais à personne. C’était un droit reçu pour les empereurs que celui d’épouser les femmes d’autrui, et lorsque Claude se maria avec Agrippine, on le loua publiquement de s’être contenté d’une veuve et de n’avoir pris la femme d’aucun mari.

Les enfans ne sont pas mieux traités que les femmes : la petite Drusille est à deux ans tuée comme complice de son père Caïus ; Claude jette nue sur le seuil de la maison de sa mère une fille de sa femme qu’il ne croit pas sa fille. Au début du règne de Tibère, Agrippa Posthume ; au début du règne de Caïus, le jeune Tibère, sont immolés comme un premier gage de sûreté. Dans cette demeure du Mont-Palatin, toute resplendissante d’or, voici la crypte où Caïus a été massacré ; voici le cachot où le jeune Drusus est mort, mangeant la bourre de ses matelas, et jetant contre Tibère des imprécations dont Tibère faisait fidèlement tenir procès-verbal pour les lire au sénat ; voici la salle du festin où fut empoisonné Britannicus, le jardin où l’on tua Messaline. Messaline, Britannicus, Agrippine, ont été supprimés (sublati) par leur mari, par leur frère, par leur fils ; et l’empoisonneuse Locuste est long-temps considérée comme un moyen de gouvernement[1].

Que serait-ce donc, si toutes les grandes maisons de Rome nous eussent été ouvertes comme le palais des Césars ? si nous avions, pour nous conduire dans ces riches demeures où l’on faisait l’orgie en attendant le billet doux de César, ce terrible cicérone Suétone, qui ne nous fait grace ni d’un on dit, ni d’un présage, ni d’une turpitude ? Que de secrets depuis l’atrium où recevait le maître, jusqu’au grenier où dormaient les esclaves ! Tacite, du reste, nous en apprend assez : une Lepida, la fille de tous les Émilius, la petite-fille de Sylla

  1. Diù inter instrumenta regni habita. (Tacite.)