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ici, où tu es, ce n’est plus comme à Rome. Parle-moi vite et vrai, ou je te secoue si bien, qu’enfin il tombera de toi autre chose que des bêtises. »

« Là-dessus, Hercule, pour être terrible, débite une tirade de tragédie. « Cet air de fermeté fit passer à Claude le goût des fadaises ; il comprit que si, à Rome, il était sans égal, il n’avait plus ici le même crédit. Le coq (le Gaulois) n’est puissant que sur son fumier. Autant qu’on put le comprendre, voilà ce qu’il eut l’air de dire : « Vaillant Hercule, j’ai toujours compté sur ton appui auprès des autres dieux ; et si on m’eût obligé à me recommander de quelqu’un, je t’aurais nommé. Tu dois me connaître ; tu m’as vu, si tu prends la peine de t’en souvenir, aux portes de ton temple, rendant la justice dans les mois de juillet et d’août. Tu sais combien de tribulations j’ai endurées là à écouter les avocats ; mieux eût valu nettoyer les étables d’Augias ; j’ai balayé plus de fumier que toi. »

« On discute ensuite au ciel sur l’admission de Claude. « Quel dieu en ferons-nous ? — Un dieu d’Épicure ? le dieu qui ne se mêle de rien et n’ordonne rien. — Le dieu des stoïciens plutôt, qui n’est qu’une boule, comme Varron l’a dit ; qui n’a ni cœur, ni tête, ni pieds. — Que ne se recommandait-il de Saturne, lui qui faisait toute l’année les saturnales ? »

« Le sénat de l’Olympe crie, clabaude en désordre. Jupiter se fâche : « Pères conscrits, dieu, homme ou bête, que pensera de nous ce personnage ? »

« Claude se retire ; on va aux opinions.

« Janus, consul désigné, homme habile qui voit par derrière et par devant, parle le premier, disertement, mais si vite que le sténographe n’a pu le suivre : « La divinité, autrefois, ne se donnait pas au hasard, c’était une grande affaire que d’être dieu. Ainsi, pour poser une question de principe et non de personne, je demande que nul ne soit reçu dieu désormais de ceux qui mangent les fruits de la terre. Quel que soit le dieu qui aura été fabriqué, peint, ciselé, sculpté, contrairement au présent sénatus-consulte, il sera livré aux farfadets, et, aux premiers jeux de l’amphithéâtre, battu de la férule par les gladiateurs. »

« Après lui parle un autre dieu, le second consul désigné, pauvre petit argentier qui faisait la banque sous Claude et gagnait sa vie à vendre la bourgeoisie romaine. Hercule s’approche de lui, lui touche le bout de l’oreille ; aussi, bien averti qu’il est, opine-t-il en faveur de Claude. « Comme celui-ci est parent du dieu Auguste, comme il est petit-fils de Livie que lui-même il a faite déesse ; comme il les sur-