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LETTRES SUR L’ÉGYPTE.

verain, cette richesse devait être répartie à chaque travailleur, en raison de son œuvre particulière dans l’œuvre commune.

Voici donc l’organisation que Mohammed-Ali a substituée au système des beys et des moultézims. Cette organisation comprend la hiérarchie administrative, le travail agricole et la répartition.

L’Égypte est aujourd’hui divisée en six gouvernemens, à la tête de chacun desquels est placé un moudir. Ces gouvernemens sont divisés en soixante départemens, qui renferment eux-mêmes des districts, lesquels comprennent des cantons. Le mamour est chargé d’administrer le département ; le hakem-el-khott commande le district ; le kaïmakan est préposé au canton. Le dernier élément administratif est la commune, dont le chef porte encore le nom de cheyk-el-beled. Vous voyez que Mohammed-Ali a suivi à peu près le plan de la convention française ; mais il a fait un progrès, en l’appliquant à l’agriculture, à l’industrie et au commerce, tandis que la Convention ne s’en était servie que pour établir l’unité administrative. En effet, tous ces divers fonctionnaires sont à la fois chefs industriels et politiques ; ils inspirent et ordonnent les travaux pacifiques dépositaires de la force, ils l’emploient à diriger les populations vers la culture du pays ; ils les aident dans cette œuvre quotidienne, en encourageant, en unissant leurs efforts.

Les moudirs exercent une inspection générale sur les mamours ; ils visitent de temps en temps les départemens de leur province, afin de s’assurer si les ordres émanés du conseil général ont été ponctuellement exécutés, si l’on veille au curage des canaux, à l’entretien des ponts et des digues ; ils ont aussi la haute main sur les manufactures, les fabrications agricoles, les carrières de pierres ou de plâtre, les salines, enfin sur toutes les espèces d’exploitations situées dans leur gouvernement. Le mamour remplit les mêmes fonctions dans le département, mais avec plus de détails ; il doit indiquer, dans chaque village, le nombre de feddans[1] que l’on destine à telle sorte de culture, faire réunir dans les schounas[2], ou magasins publics, les denrées qui doivent être conservées ou vendues pour l’exportation ; il est encore chargé de présider aux levées militaires ou industrielles. Les attributions du hakem-el-khott sont à peu près les mêmes, mais bornées à un seul district ; il transmet les ordres du mamour au kaïmakan, et en surveille l’exécution ; il protége les employés subalternes dans l’exercice de leurs fonctions. Le kaïmakan est en rapport direct avec les cheyks-el-beled ; il leur communique les ordres supérieurs ; il règle les comptes de chaque village ; son attention se porte surtout à éloigner la malveillance. Le cheyk-el-beled est à la fois chef politique, agricole et commercial ; il veille aux plantations, aux récoltes, au transport des produits ; il donne l’investiture des terres ; il apaise les querelles, termine les différends à l’amiable ; il exerce la police ; c’est à lui qu’on a recours pour les

  1. Le feddan se divise en kassabesh. Le kassabesh est égal à 3 mètres 64 centimètres. Le feddan contient 333 kassabesh. Cette mesure est la même dans toutes les provinces.
  2. Dans les campagnes, ce sont ordinairement de grands enclos entourés d’une palissade de roseaux ou d’un mur en briques. Dans les villes, les schounas sont de vastes constructions en pierre. Le schouna d’Alexandrie peut contenir trente mille balles de coton.