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ORIGINES DU THÉÂTRE.

ou prêtres de Cybèle, nous trouvons, comme dans les précédens, l’enseignement des arts les plus utiles.

« L’hiérophante des Phéniciens, dit Sanchoniathon, le fils de Thabion, annonça le premier tous ces mystères, et les rattachant aux phénomènes physiques et cosmologiques, les fit connaître à ceux qui célébraient les orgies et aux prophètes qui présidaient aux mystères. Ceux-ci, cherchant à augmenter l’admiration des hommes, transmirent ces choses à leurs successeurs et aux initiés[1]. »

N’était-ce pas une pensée très dramatique que celle qui supposait les Corybantes, les Dactyles et les Curètes, ces divins fondateurs du culte, présens à toutes les fêtes mystiques, mais sans être vus, et ne s’annonçant aux initiés que par leurs chants et le cliquetis des armes qu’ils agitaient dans leurs danses invisibles[2]  ?

Quant à la partie commémorative et dramatique des mystères phrygiens, c’était, comme dans ceux de Samothrace, l’histoire d’un jeune enfant mis à mort par ses parens les plus proches, puis rappelé à la vie, et dont, après avoir pleuré la mort, on célébrait la résurrection. Cette légende, suivant les lieux, subissait de notables variations. En Crète, les danses furieuses des Curètes représentaient les moyens employés pour tromper le vieux Saturne et soustraire Jupiter, enfant, au sort qu’avaient éprouvé Neptune et Pluton[3]. Dans les contrées plus particulièrement soumises à l’influence de la Phénicie et de l’Égypte, on représentait l’histoire d’Attis, copie défigurée du mythe égyptien d’Osiris et de Typhon. Dans les mystères de la Troade, l’enfant du temple[4], celui qui jouait le principal rôle, se nommait Sabazius[5], divinité de Thrace que la plupart des mythologues reconnaissent pour un des types nombreux de Bacchus. Enfin, dans les Bacchantes d’Euripide[6], les Curètes et les Corybantes sont loués comme ayant institué, au son des flûtes et des tambourins, les mystères d’Iacchus, que nous verrons bientôt associés à la plus grande et à la plus respectée des institutions religieuses de l’antiquité, aux mystères de Déméter ou de Cérès-Éleusine.

MYSTÈRES D’ÉLEUSIS.

Les mystères d’Éleusis, dit un ancien, l’emportent autant sur les autres institutions mystiques que les dieux sur les héros[7]. Ces mystères étaient de deux espèces : les grands, où l’on n’admettait qu’un petit nombre d’initiés, et seulement les citoyens d’Athènes ; les petits, auxquels participaient tous les Grecs, sans distinction d’origine. Une ancienne tradition rapporte qu’Hercule, né à Thèbes, ne pouvant être admis aux mystères d’Éleusis, les Athéniens, par déférence pour ce héros[8], instituèrent les petits mystères, où les Grecs

  1. Euseb., De præparat. evangel., lib. i, cap. vii.
  2. Fréret, Acad. des Inscript., tom. xxiii, pag. 27 et suiv.
  3. Strab., lib. x, pag. 470, D.
  4. Porphyr., De abstin., lib. iv, § 5, pag. 307. — Himer., Orat. xxxiii, § 7, 8 et 18, pag. 778 et 726.
  5. Strab., ibid., C.
  6. Eurip., Bacch., v. 57. — Heeren., De Chor. Græcor., pag. 39 seqq.
  7. Pausan., Phoc., cap. xxxi, § 4.
  8. Schol., in Aristoph. Plut., v. 846 et 1014.