Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/710

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
706
REVUE DES DEUX MONDES.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

fêtes particulières, dans la célébration desquelles le peuple, partagé en chœurs et conduit par un chef de son choix, appelé Chorège, intervenait comme acteur et comme concurrent.

Je ne prétends pas tracer ici l’histoire, ni même présenter une liste sommaire de toutes ces fêtes demi-hiératiques et demi-populaires, presque toutes mimiques, dont nous trouverons les analogues au moyen âge. Cette nomenclature serait à elle seule un grand ouvrage : il faudrait refaire le calendrier grec et la Græcia feriata de Meursius, à laquelle M. Larcher a joint déjà un très utile supplément[1]. J’indiquerai simplement celles de ces solennités dont la célébration avait quelque chose de plus spécialement dramatique.

Les fêtes qui, comme celles de Cérès et de Bacchus, étaient suivies ou accompagnées de mystères, c’est-à-dire de cérémonies particulièrement sacerdotales, ne donnaient pas moins lieu en Grèce à d’autres cérémonies publiques, auxquelles le peuple, sous la direction du sacerdoce, prenait la part la plus active.

ÉLEUSINIES.

Les grandes Éleusinies se célébraient à Éleusis, près d’Athènes, tous les cinq ans, et les petites à Agræ tous les ans. Les premières duraient neuf jours et commençaient le 15e du mois boédromion. Après quelques sacrifices à Cérès et à Proserpine, qui occupaient les trois premiers jours, le quatrième, vers le soir, se faisait la procession de la corbeille mystérieuse. Cette corbeille (κάλαθος) était couverte de pourpre et posée sur un char traîné par des bœufs. Derrière ce chariot venait un chœur de femmes athéniennes, qui portaient sur leur tête de petites corbeilles couvertes, comme le Calathus, d’un voile de pourpre et remplies de divers objets symboliques[2]. Ces cistes mystiques représentaient la corbeille où Proserpine était occupée à mettre les fleurs cueillies par elle lorsque Pluton l’enleva. C’était, en quelque sorte, le premier acte de l’histoire de l’enlèvement de Proserpine.

Le cinquième jour s’appelait le jour des flambeaux. Sur le soir, hommes et femmes portaient des torches, en mémoire de celle que Cérès avait allumée au feu du mont Etna pour aller à la recherche de sa fille.

Le sixième jour, le culte d’Iacchus se joignait à celui de Cérès. Les mystes prenaient dans l’Iaccheon d’Athènes et conduisaient à Éleusis[3] la statue du dieu couronnée de myrte et tenant un flambeau[4] ; on portait aussi le berceau mystique d’Iacchus, entouré de bandelettes de pourpre[5]. Si l’on en croit un proverbe usité du temps d’Aristophane, on se servait d’ânes pour transporter les objets nécessaires à la célébration des mystères[6], tels que

  1. Mém. de l’Acad. des Inscript., tom. XLV, pag. 429
  2. Ces corbeilles renfermaient du sésame, des gâteaux, du sel, des pavots, des grenades, des férules, des pelotons de laine, un simulacre de serpent, une lampe, une épée, le cteis, etc. Voyez Clem. Alexandr., Protrept., cap. II, pag. 19.
  3. Plutarch., Phoc., cap. XXVIII
  4. Pausan., Attic., cap. II, § 4.
  5. Plutarch., ibid.
  6. Aristoph., Ran., v. 139. — Schol., ibid.