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grecque, et conserva dans la langue latine, une double acception. Il signifiait tout à la fois une sorte de petites pièces amusantes et les acteurs qui prêtaient leurs talens à la représentation de cette classe d’ouvrages. Comme genre littéraire, la grande famille des mimes n’offre ni l’élévation poétique, ni la régularité de formes, ni la pureté d’origine des trois genres de drames classiques. Cette souche bâtarde se divise en un nombre infini de rameaux divers et ne présente pas, comme la tragédie, la comédie et le drame satyrique, une continuité de productions issues d’un même système. C’est dans ce genre de créations capricieuses, toutes livrées à la fantaisie individuelle, qu’éclata surtout la mobile indépendance du génie grec.

Quant aux acteurs mimes, c’est-à-dire, aux comédiens placés en dehors des concours scéniques, ils offrent une extrême variété de types et reçurent beaucoup de noms divers. Je dois rechercher curieusement l’histoire et la filiation de ces acteurs populaires ; car, comme ils ont survécu au grand théâtre religieux et national, eux et leurs farces ont influé, plus directement que les anciens chefs-d’œuvre de la scène grecque et romaine, sur les origines et la naissance du théâtre moderne.

Je distingue deux classes d’acteurs mimes : 1o ceux qui jouaient des parades improvisées ; 2o ceux qui représentaient des pièces écrites.

MIMES IMPROVISATEURS.

Les premiers mimes, ou plutôt les premiers comédiens populaires, furent partout improvisateurs. N’était-ce pas un mime, sauf le nom inusité alors, que ce premier venu qui, selon Pollux, improvisait du haut d’une table un épisode plaisant ou héroïque, au milieu du chœur dionysiaque[1] ? Partout le nom que reçurent ces premiers acteurs atteste des habitudes d’improvisation. Suivant Samus de Délos, il y en eut qui s’appelaient αὐτοκάβδαλοι ; les Thébains les nommaient ἐθελονταί ; ailleurs ils portaient le nom de sophistes, ou de παραδοξολόγοι[2]. Les contrées mêmes qui repoussèrent les concours scéniques reçurent ces baladins. Sparte, entre autres, qui, par amour pour ses anciens airs nationaux[3], ne permit pas aux chœurs cycliques et dithyrambiques de se transformer comme ailleurs en tragédies et en comédies[4], Sparte qui railla et repoussa constamment les folles dépenses de la choragie athénienne, Sparte, l’ennemie des vaines paroles, admit néanmoins ces divertissemens modestes et ces petits drames d’un appareil fort simple et conforme à son génie. Les Lacédémoniens appelèrent dicélistes ces comédiens, probablement de condition servile et fort peu

  1. Poll., lib. iv, cap. XIX, § 123.
  2. Les Παραδοξολογοῦντες étaient plus particulièrement peut-être ce que nous appelons charlatans. Voyez Diod., lib. iii, § 35, pag. 201.
  3. Athen., lib. xiv, pag. 632, F. — Pratinas a dit : « Le Lacon est une cigale née pour les chœurs. » Athen., ibid., pag. 633, A.
  4. Plutarch., Instit. Lacon., pag. 259, B — Les vastes théâtres dont les ruines subsistent encore dans le Péloponèse prouvent que les Spartiates ont connu les grandes représentations scéniques, au moins sous la domination romaine.