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DES CHEMINS DE FER.

Bourgogne, il est impossible de songer à des bateaux-rapides pour les passagers. Il se trouve, en effet, sur ce canal de soixante lieues, cent quatre-vingt-onze écluses, qui, à raison de cinq minutes l’une, absorberaient seize heures, et la traversée proprement dite, sur le pied de quatre lieues à l’heure, n’en prendrait que quinze. Mais même sur les canaux où les écluses sont nombreuses, elles ne sont pas également réparties sur tout le parcours, et il y reste des biefs ou séries de biefs très praticables pour les bateaux-rapides. Les canaux latéraux auraient en général, sous ce rapport, une assez grande supériorité, la quantité des écluses y étant habituellement limitée. Ainsi, entre Orléans et l’embouchure de la Vienne, la pente de la Loire est de soixante mètres cinquante centimètres pour quarante lieues, ce qui correspond à peu près à vingt-quatre écluses, qui seraient franchies en deux heures, en comptant cinq minutes par écluse. Le déplacement proprement dit s’effectuant à raison de quatre lieues à l’heure, le voyage ne serait allongé, par le fait des écluses, que d’un cinquième.

En un mot, ne prétendons pas que, dans tous les cas, les bateaux-rapides des canaux et les bateaux à vapeur des fleuves et rivières puissent supplanter les locomotives des chemins de fer, ou même les suppléer provisoirement, mais admettons que, dans un certain nombre de cas, les canaux et les rivières peuvent rendre des services réels pour le transport des voyageurs, et c’est en vue de ces cas seulement qu’il est utile et nécessaire de les recommander.

Si donc il est vrai que, pour le transport des hommes de toutes les classes sans exception, riches ou pauvres, et surtout pour celui de l’immense majorité, les voies navigables et particulièrement les rivières peuvent nous donner un progrès considérable sur ce qui est, et suppléer provisoirement aux chemins de fer, tandis que les chemins de fer sont ou semblent être hors d’état de tenir jamais lieu des rivières et des canaux, pour le négoce proprement dit, c’est-à-dire pour le transport des marchandises et par conséquent pour le développement direct de la richesse publique ; si l’on admet qu’il faudrait toujours creuser des canaux et améliorer des rivières, lors même que nous aurions construit toutes les grandes lignes de chemins de fer ; si d’ailleurs la mise en train, sur une grande échelle, de la construction des grands chemins exige impérieusement que beaucoup de questions d’administration publique et même de politique générale aient été préalablement résolues, n’est-on pas fondé à dire qu’il faut que nous nous gardions de procéder avec précipitation et de toutes