Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/89

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
85
RŒDERER.

rêta plus ses échanges sur les limites des provinces par les douanes intérieures ; on ne le détourna plus de ses propres voies par les corvées ; on ne le comprima plus dans ses élans par les jurandes. Délivré de ses vieilles entraves, relevé de ses longues humiliations, le travail devint la force future de l’état et l’honneur nouveau des citoyens.

Dans le système de contributions publiques conçu par l’assemblée constituante et auquel M. Rœderer contribua puissamment, l’impôt ne fut pas demandé à la terre seule ainsi que le désiraient les anciens économistes. D’après eux, la répartition égale de cet impôt unique devait se faire toute seule entre les citoyens, à l’aide du temps et en vertu d’un équilibre naturel. En supposant que leur opinion fût vraie et que la distribution des charges publiques atteignît à la longue et à travers bien des injustices privées, les diverses espèces de biens et les divers ordres de personnes dans une proportion convenable, ne valait-il pas mieux que l’état l’opérât lui-même avec discernement, avec équité, avec promptitude ? Sans doute. Dans cette science, comme dans toutes celles qui ont l’homme pour objet, la transition mérite autant de ménagemens que la théorie de respect, et l’art de l’application est aussi nécessaire dans l’intérêt de l’individu que l’adoption des principes dans l’intérêt de la masse.

C’est ce que pensa sagement et ce que fit habilement l’assemblée constituante. Elle distribua l’impôt sur plusieurs matières, afin d’en diminuer la charge et d’en amener plutôt l’équilibre. Tous les revenus furent imposés : ceux de la terre et des maisons, par la contribution foncière ; ceux des capitaux, par la contribution mobilière ; ceux de l’industrie, par les patentes ; ceux du commerce, par les douanes transportées aux frontières. L’état qui demandait au citoyen une partie de son revenu pour lui assurer la libre jouissance du reste, se fit également payer les autres garanties qu’il lui accorda. L’acquisition de la propriété par héritage ou par contrat, fut assujettie à un enregistrement qui constata sa transmission, et à l’acquittement d’un droit qui fut le prix de sa sanction. Il en fut de même des divers actes devant les tribunaux et de quelques opérations de la vie économique, qui, exigeant l’intervention de l’état ou son appui, durent lui payer tribut par l’enregistrement ou le timbre. À ces contributions s’en joignirent quelques autres d’une moindre importance sur certains services publics. L’impôt sur les consommations fut beaucoup plus ménagé qu’il ne l’a été depuis, parce que regardé comme prélevé sur les salaires, et par les salaires sur le peuple, on le crut moins bon sous le rapport économique et moins juste sous le rapport politique.