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LA PRESSE POLITIQUE.

nous être les plus opposés, de se réprimer un peu, d’exercer sur leurs passions une censure intérieure. Nous les engagerions encore à faire de leurs journaux, non pas la contradiction, mais le reflet de leur époque ; à suivre les progrès du temps, à ne pas reproduire en 1838 les articles de 1833 et de 1834, à tenter de regagner la faveur publique par des travaux opportuns et sérieux. Il ne suffit pas de répéter tous les matins les mots qu’au rapport d’Aristophane, dans les Guêpes, les démagogues avaient sans cesse à la bouche : « Je ne trahirai pas la démocratie, je combattrai toujours pour le peuple. » La démocratie moderne veut être servie par d’intelligens efforts, et le peuple a besoin non pas d’adulations, mais de conseils et de lumières.

Vous avez compris, monsieur, cette noble mission de la presse politique, et vous travaillez à y faire face. Vous vous employez, vous, vos amis, vos collaborateurs, à rassembler sur des questions graves des élémens de conviction et de vérité. Si, en France, en Europe, on lit avec estime les pages de votre recueil, c’est qu’on y trouve les résultats d’études politiques consciencieuses et fortes ; vous ne déclamez pas, vous instruisez ; vous vous proposez d’être, pour ainsi dire, le rapporteur officieux des problèmes politiques qui se partagent les soins du gouvernement et l’attention de la société. Cette ambition n’est pas médiocre, mais elle ne vous messied pas, à vous, monsieur, qui depuis sept ans avez ouvert aux talens les plus divers de notre époque un centre commun, une tribune. Le lendemain d’une révolution, quand quelques passions, plutôt excitées que satisfaites, tentaient encore de nouveaux appels à la force, vous n’avez pas désespéré de la pensée, vous avez voulu la dégager et la sauver de ce conflit violent où elle se trouvait opprimée et comme ensevelie. Vous vous êtes adressé aux hommes de votre temps, aux plus illustres comme aux plus jeunes ; vous avez obtenu des premiers de ne pas jeter la plume, vous avez mis aux autres les armes à la main. Plusieurs de nos gloires les plus récemment écloses vous doivent beaucoup. Vous étiez animé, soutenu par vos sympathies pour le talent partout où vous le découvriez, ainsi que par un goût heureux et sûr pour juger les œuvres de l’esprit. Quand, il y a deux ans, les derniers cris de nos troubles civils ont expiré, vous avez porté dans l’examen de la situation politique la même justesse que dans la direction des travaux littéraires ; vous avez reconnu qu’une époque nouvelle commençait, et que les vieux partis, devenus la proie d’une décomposition irrésistible, tombaient sous l’action du