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LA SICILE.

fonctionnaires napolitains en Sicile, et à appeler les fonctionnaires siciliens dans les provinces napolitaines. Messine avait alors pour intendant civil, c’est-à-dire pour préfet, le marquis della Cerda, noble Palermitain, qui avait épousé avec ardeur les intérêts de cette ville qu’il administrait depuis six ans. Le marquis della Cerda est un homme simple, modeste, énergique et d’un grand sens. Sa conversation est pleine d’intérêt ; ses vues m’ont paru celles que pourrait avoir un de nos préfets qui aurait sérieusement réfléchi sur la nature de ses devoirs. C’est un grand seigneur comme il s’en trouve quelques-uns parmi les grands seigneurs siciliens. Il a habité la France, ce qui ne veut pas dire qu’il a visité les salons de Paris ; il connaît, au contraire, une grande partie de nos départemens, dont il a étudié les besoins et les richesses ; il a aussi fructueusement séjourné en Angleterre, et il appliquait à sa nouvelle situation tous les résultats de ses voyages et de ses études. Il faut savoir que Messine est une ville de cinquante ans. Les incendies, la peste et les tremblemens de terre l’ont détruite plusieurs fois de fond en comble, et le magnifique quai de la mer, composé d’une suite de palais uniformes, n’en est encore qu’à son premier étage. M. della Cerda s’occupait activement d’achever cette jeune cité ; il y faisait élever partout des fontaines, des édifices utiles, il parait la ville de monumens ; sous son administration, trente milles de route carrossable avaient été faits vers Palerme, le long de la mer, jusqu’à Nocito, près de Milazzo, et cette route est de la plus haute importance pour Messine, car la route de Palerme à Messine, par Castrogiovanni et le centre de l’île, est inutilement trop longue. On a voulu la faire passer par Catane, tandis que la route directe entre les deux capitales (je parle le langage de Messine) est le long de la mer, par Termini et Cefalù. Le marquis della Cerda était donc tout occupé de ce vaste et dernier projet, quand vint le choléra, dont la présence fut signalée à Messine, comme à Catane et à Syracuse, par une insurrection très courte, qui se réduisit à un petit mouvement populaire dont voici les principales phases.

Un paquebot napolitain, le San-Antonio, avait paru en rade. Il était chargé de médicamens et d’objets nécessaires aux hôpitaux. Le bruit se répandit dans le peuple que ce navire apportait le poison qui donne le choléra, à l’aide duquel le gouvernement napolitain voulait se débarrasser d’une partie de la population sicilienne. La foule se porta sur le quai, tenta de s’opposer au débarquement, repoussa jusque dans la citadelle la faible garnison napolitaine que commandait le brave et spirituel général Luigi Caraffa, frère d’un homme