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REVUE. — CHRONIQUE.

une coalition imaginaire. C’est la force des principes, l’identité des vues, la conformité irrécusable de leur politique, qui fait marcher ces différens partis sous la même bannière ; et au fond, en effet, ils ne veulent tous qu’une même chose, tout le monde le sait bien.

Ce qu’ils veulent, avant tout, c’est l’éloignement du cabinet du 15 avril, de ce fâcheux ministère ; car un ministère est toujours fâcheux pour ceux qui veulent le remplacer. Les raisons qu’on en donne sont, sinon très logiques, du moins très vives et dites avec toute la franchise que comporte la situation. Le cabinet n’est composé que de brouillons, d’innovateurs ridicules ; l’amiral Rosamel n’entend rien à la marine, le général Bernard à la guerre ; le ministère est présidé par un homme à qui on veut bien accorder de l’esprit, mais à qui l’on refuse toute volonté, — quoiqu’on lui reproche bien amèrement, d’un autre côté, la volonté qu’il a eue de renvoyer les doctrinaires, et les volontés maintenant accomplies, à l’aide desquelles il a dissous la dernière chambre, promulgué l’amnistie, devant laquelle on reculait depuis trois ans, terminé l’affaire de Constantine, et exigé les réparations que nous doivent les républiques de l’Amérique du sud. Mais passons les injures et venons aux raisons.

On reproche au cabinet de se présenter devant la chambre, sans qu’on voie parmi ceux qui le composent un seul des chefs sous lesquels ont l’habitude de marcher « les grands partis. » Est-ce donc la faute du cabinet si les chefs des grands partis sont dans l’opposition ? Un ministère ne peut se recruter que dans les rangs de ceux qui sont de son opinion. Or, des chefs dont on parle, l’un d’eux est partisan immuable de l’intervention en Espagne. Est-ce celui-là que la chambre voudrait voir à cette heure dans le cabinet ? Un autre, le chef de l’opposition d’extrême gauche, veut la réforme électorale dans toute son extension, et l’abolition des lois de septembre. Son absence du ministère cause-t-elle, comme on le dit, la ruine du gouvernement représentatif ? Enfin, le chef du parti doctrinaire dans la chambre, ne veut, il est vrai, ni de la réforme électorale, ni de l’intervention en Espagne, ni de l’abolition des lois de septembre ; mais il pactise avec tous les partisans des changemens politiques ; et son système, bien connu, est du centre droit, dont les partisans ne forment pas une grande majorité dans la chambre. L’éloignement du pouvoir où se trouve le chef de ce parti, cause-t-il aussi la ruine du gouvernement représentatif « à tel point que la chute de ce ministère soit une question de dignité pour la chambre ? » C’est pourtant après avoir exposé ces faits qu’on s’écrie : « En faut-il davantage pour expliquer comment et pourquoi les partis se trouvent réunis contre le cabinet du 15 avril ? » Il n’en faut pas davantage, en effet, à notre avis, et nous en tombons d’accord avec l’organe de la gauche. L’absence des chefs des partis dans le pouvoir explique suffisamment pourquoi ces partis se trouvent réunis contre le pouvoir. L’aveu est franc et précieux, et l’on voit que si l’opposition ménage peu ses adversaires, elle se ménage encore moins quelquefois. En ce qui est de l’immoralité, l’organe du centre gauche demande s’il se-