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nantes chez les nouveaux membres libéraux, telle est la moyenne de l’opinion réformiste[1]. »

Sans partager avec l’écrivain distingué auquel nous empruntons ces paroles des espérances que les évènemens permettent en ce moment de taxer d’illusions, nous croyons cette appréciation aussi exacte que les conseils qui l’accompagnent sont judicieux. Les questions indiquées comme points de ralliement de l’opinion libérale sont, en effet, les premières, pour ne pas dire les seules, à vider. L’issue n’en sera pas douteuse, si, au lieu de la demander à une seule session, on se résigne à l’attendre d’une période peut-être décennale. Le temps est le plus puissant des réformateurs, et c’est surtout en Angleterre qu’il leur devient un allié indispensable. Quiconque prétend agir sans s’en assurer le bénéfice recule au lieu d’avancer. L’Angleterre est quelquefois violente, mais elle n’est jamais pressée ; et si, dans ses jours de fièvre, elle ne recule pas devant la perspective d’une révolution, dans ses jours de calme elle n’aborde guère plus d’une question à la fois. On dirait qu’elle se complaît dans la lutte méthodique autant que dans le triomphe lui-même. Telle est la disposition naturelle de son génie, que quiconque apporte une idée nouvelle est comme obligé de se la faire pardonner, et que les mesures aventureuses sont presque toujours repoussées par l’opinion. C’est pour cela que la portion modérée du parti radical ne se séparera pas avec éclat du cabinet whig pour frayer aux tories les voies du pouvoir. En France, un tel résultat sortirait immanquablement de l’état actuel des choses. Les radicaux puissans dans la chambre, et paralysés dans toutes leurs réclamations par un ministère auquel leur concours est indispensable, n’hésiteraient pas à le lui retirer, dans l’espérance de provoquer, par le seul fait de l’entrée des tories aux affaires, une réaction éclatante au sein de l’opinion publique.

Dans la Grande-Bretagne, des conseils analogues ne manquent pas non plus aux réformistes ; mais ceux-ci préfèrent la certitude d’obtenir quelque chose des whigs qu’ils maintiennent aux affaires, à la chance d’obtenir beaucoup en exploitant le nom des tories et les irritations que ce nom pourrait exciter. Ils comprennent qu’après tout, si les whigs agissent mollement en leur faveur, ils n’agissent jamais contre eux ; qu’une administration faible ne peut leur rien refuser en fait de faveurs personnelles, et qu’à ce titre elle est plus propre que toute autre à dissoudre graduellement le faisceau formida-

  1. The London and Westminster Review, parties and ministry, Octob. 1837.