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jour quelques flots de plus à ce courant qui fertilise les affaires. Mais toutes les fois qu’il s’agit d’augmenter le capital circulant par une innovation systématique, par la création de quelque nouveau signe représentatif, on ne saurait procéder avec trop de réserve. Le financier, dont la vue dépasse rarement une page de chiffres, peut crier au prodige, quand le total d’une opération présente un bénéfice, qui parfois est nominal plutôt que réel ; l’illusion lui est d’autant plus facile, qu’il ne peut que gagner à ces viremens de fonds, dont il est l’organe nécessaire. L’homme d’état aperçoit les choses d’un autre point de vue. Il plane sur des groupes passionnés dont les intérêts sont en opposition, et qui trop souvent s’obstinent à fermer les yeux sur leurs intérêts véritables. Il sait que le contre-coup des moindres mouvemens financiers retentit profondément dans les masses. Il ne lui suffit pas d’entrevoir un accroissement de la fortune générale ; il veut savoir si cette surabondance tournera au profit de tous, ou si, répandue inégalement, elle ne doit pas déterminer une surexcitation en quelques parties, et un appauvrissement douloureux dans les autres. On conviendra que les problèmes de cet ordre méritent réflexion, et qu’ils se compliquent de tant de circonstances, qu’on ne saurait les résoudre par les seules affirmations des économistes. Qu’on ne nous prête pas pour cela le ridicule de repousser tous les plans de réforme financière ; nous avons foi au contraire à de prochaines et urgentes améliorations. Nous voulons seulement rappeler qu’un gouvernement manquerait à son premier devoir, à la prudence qui conserve, s’il n’attendait pas pour admettre les plans de cette nature que la méditation les ait conduits à la plus parfaite maturité.

Ces réflexions nous sont suggérées par plusieurs brochures qui rendent l’administration responsable du tort qu’elle fait au pays en retardant la mise en œuvre de plusieurs belles découvertes financières. Nous avons regretté que cette disposition conduisît parfois jusqu’au ton du pamphlet un livre, fort digne d’ailleurs d’être pris en considération. Sous ce titre : Des banques départementales en France[1], M. le comte d’Esterno, chargé par des capitalistes de Dijon de poursuivre auprès du gouvernement l’autorisation de fonder une banque locale, a publié un mémoire où il signale l’influence des établissemens de ce genre sur les progrès de l’industrie, et propose les mesures qu’il croit les plus favorables à leur propagation. D’après les principes en vigueur aujourd’hui, une banque provinciale ne doit pas étendre la sphère de ses opérations au-delà de la ville où elle est établie, et il lui est interdit de se mettre en communication avec les banques semblables. Ainsi se trouve constitué un privilége en faveur des grandes places de commerce qui seules peuvent alimenter un comptoir commun par le mouvement de leurs propres affaires[2]. Or, les villes secondaires se plaignent avec raison d’un système

  1. vol. in-8o, chez Renard, rue Sainte-Anne, 71.
  2. Sept villes seulement se sont trouvées jusqu’ici dans les conditions requises : Bordeaux, Rouen, Nantes, Lyon, Marseille, Lille et Le Hâvre.