Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/203

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
199
LES SEPT CORDES DE LA LYRE.

durables, j’ai méprisé les jouets futiles que vous appelez vos sceptres et vos couronnes : je vous les ai laissé ramasser. Si j’avais voulu, moi aussi, j’aurais joui d’une gloire éphémère et brillé d’un éclat frivole. J’ai préféré être votre conseil, votre appui, votre maître à tous ! Disciples indociles, prenez garde ; si vous n’écoutez pas mes leçons, je saurai vous démasquer et vous empêcher d’égarer le siècle.

le peintre.

Une leçon, une petite leçon de peinture, je vous en prie. Tenez, voilà mon crayon. Faites une main, un pied, un nez, ce que vous voudrez enfin.

le poète.

Improvisez une strophe, allons ! que nous voyions ce que vous savez faire.

le maestro.

Non, non, qu’il joue de la lyre, et, s’il la fait parler, rendons-lui hommage.

le peintre et le poète.

J’y consens, allons !

le critique prend la lyre.

Et moi aussi, je consens à vous montrer que je sais mieux que vous les arts que vous professez. Je vais vous chanter, en vers alexandrins, une dissertation sur la peinture, et je m’accompagnerai de la lyre sur le mode ionique.

le peintre.

Ce sera superbe et vraiment neuf. Voyons !

les deux autres.

Voyons, commencez !

méphistophélès, à part.

Allons ! toi, tu es celui sur lequel j’ai le plus compté.

(Le critique pose les doigts sur la lyre, et les retire avec un cri douloureux.)

les autres.

Qu’est-ce que c’est ? que vous arrive-t-il ?

méphistophélès, à part.

Esprit de la lyre, tu triomphes !

le critique.

Infâmes ! vous ne m’aviez pas dit que ces cordes étaient tranchantes comme des lames de poignard. Je me suis coupé jusqu’aux os. Ah ! mon sang coule par torrens, et une douleur cuisante se communique à tous mes membres. Je succombe. Secourez-moi !