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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

l’individu et s’épuiser de lui-même ; qu’il y a des causes de maladie dont il ne faut pas tenir compte, d’autres dont il faut tenir le principal compte, des causes qui ne sont que l’occasion du mal et d’autres qui sont tout le mal ; que tel mal local, si réfractaire, ne disparaîtra que quand vous aurez renouvelé la substance de tout le système ; que tel mal général, au contraire, ne disparaîtra que quand le mal local aura disparu. Si vous aviez eu à faire à vous seul votre éducation seulement sur ces points, m’est-il permis de demander où vous en seriez ?… Vos pères vous font pitié ! Mais vous qui déclarez qu’il faut refaire toute la science, qu’il faut reprendre l’œuvre par la base, et qui prononcez avec Bacon ce mot sacrilége ou inepte : Ars instauranda ab imis ; vous qui croyez qu’on ne pourra parler sur le sort des vivans que quand on aura disséqué jusqu’à la dernière fibre des milliers de cadavres ; vous qui dites orgueilleusement que jusqu’à vous il n’y a pas eu de faits, et que nous entrons dans le siècle non pas des lumières, mais des faits, et que pour porter un jugement quelconque il vous en faut une infinité d’infinités, sylva sylvarum, dit encore Bacon ; vous qui ne savez pas ce que c’est qu’un fait valable, et qui, au train dont vous allez, le saurez de moins en moins ; vous qui ne pouvez vous entendre avec vous-mêmes, — dites-moi pourquoi vous donnez à boire chaud ou froid, pourquoi vous placez votre malade dans une atmosphère de quinze degrés au-dessus de zéro plutôt qu’au-dessous, pourquoi vous donnez de l’eau plutôt que de l’éther, ou de l’éther plutôt que de l’eau ? Vous comptez absolument pour rien ceux qui ont labouré avant vous le champ fécond de la science ! Répondez-moi donc : y a-t-il dans la nature des alimens et des poisons ? y a-t-il des substances qui font vomir, d’autres qui provoquent chez l’homme, placé dans de certaines circonstances, une sueur soulageante ; d’autres qui calment instantanément d’atroces douleurs ; d’autres qui rendent sa force, sa rutilance, sa vie à un sang appauvri ; d’autres qui redonnent son aspect naturel et ses fonctions à une peau couverte d’humeurs fétides et d’ulcères douloureux ; d’autres qui arrêtent dans l’organisation humaine une consomption commencée, etc., etc. ? Est-ce une chimère que d’avoir fait sortir du sein de la nature toutes ces forces cachées qui vont ranimer dans l’homme le foyer de la vie, que d’avoir déterminé quand, comment, en quelles proportions, la vertu de toutes ces choses peut lui être distribuée ? Non, ce n’est pas une chimère : malgré vous, parce qu’il le faut, vous agissez d’après l’expérience acquise avant vous ; car la tradition médicale vous déborde, elle pèse sur vous.