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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

inconnu, ou ont un siége dont la considération est tout-à-fait indifférente pour le traitement. Une douleur névralgique excessive est calmée comme par enchantement au moyen des stupéfians, quel que soit son siége ; nous ne connaissons pas le siége de la fièvre intermittente que nous sommes sûrs de guérir sous les formes les plus terribles avec le quinquina, et nous connaîtrions son siége que nous ne la guéririons pas mieux ; nous avons une action spécifique très évidente sur plusieurs cachexies dont nous ignorons le siége, dont nous ne constatons même l’existence que par des données matérielles assez fugitives. Les eaux minérales, ce grand moyen thérapeutique offert à l’homme par la nature, agit sur diverses affections, quel qu’en soit le siége. « La question de Bichat : qu’est une maladie, si on en ignore le siége ? me paraît, dit M. Lordat de Montpellier, tout-à-fait semblable à celle-ci : Comment peut-on espérer de corriger les vices d’un enfant si l’on ne sait pas quels sont les points du cerveau qui sont les organes de ces vices, conformément à la doctrine de Gall ? On est généralement persuadé que Fénelon a contribué au changement avantageux du caractère de son élève, quoiqu’il ait ignoré le siége réel ou prétendu du mal ; et il me semble que l’on n’a pas encore renoncé à des moyens moraux d’éducation qui n’ont aucun rapport avec la supposition d’une maladie locale. »

La connaissance du siége des maladies a son utilité relative ; mais il est absurde de dire que, sans elle, il n’y a pas d’observation médicale. L’idée de la localisation de toutes les maladies, dont quelques modernes se sont engoués, est donc une idée fausse, capable de rétrécir beaucoup le champ de la science. Tout comme Broussais, après avoir vu sur le cadavre beaucoup d’altérations organiques, était devenu localisateur absolu, ainsi, après avoir vu beaucoup d’inflammations, il ne vit plus que l’inflammation. Non-seulement l’inflammation locale joua le principal rôle dans les maladies, mais elle joua le seul rôle. Selon le bon sens universel des médecins, il y avait toujours eu différentes natures de maladies : tantôt, en effet, à la suite de l’action produite sur nos organes par un agent morbifique, il se développait une série de phénomènes réactionnaires, comme nous en voyons un exemple manifeste dans le travail morbide qui se fait sur nos tissus blessés, déchirés, brûlés, etc. ; tantôt, sans qu’on pût assigner de cause générale visible, il se faisait ou dans un organe, ou dans un appareil, ou dans l’organisme tout entier, une corruption, une dépravation des solides et des liquides, et toute la substance humaine devenait malade ; le jeu des fonctions était altéré, les tissus chan-