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REVUE DES DEUX MONDES.

et la foi. Il faut bien que la pauvre inspirée se rejette sur l’espérance et sur la contemplation.

albertus.

Et sur le doute et la mélancolie, car voilà ce que j’ai compris dans son chant. Et voilà l’impression douloureuse qui m’en est restée, à moi !

méphistophélès.

Il ne faut pas que cela vous inquiète. Si vous retranchiez les deux cordes d’argent, vous verriez bien autre chose.

albertus.

Et si je retirais ces deux cordes d’acier ?

méphistophélès.

La lyre chanterait tout différemment, et vous commenceriez à lire dans la musique et dans la poésie comme vous lisez dans le dictionnaire de Bayle.

albertus.

Vous le croyez ?

méphistophélès.

J’en suis sûr. Consultez le manuscrit en rentrant chez vous.

albertus.

Eh bien ! j’essaierai encore cela. Mais je tâcherai de ne pas briser les cordes, comme j’ai brisé, sans le vouloir, les deux premières.

méphistophélès.

Sans doute ! La lyre est enchantée, et cela peut porter malheur ! Ne vous sentez-vous pas la fièvre depuis tantôt ?

albertus.

Quel plaisir pouvez-vous prendre à railler un esprit sincère qui s’abandonne à vous ?

méphistophélès.

Je ne raille pas. N’avez-vous jamais entendu raconter à maître Meinbaker, père de votre Hélène et descendant en ligne directe du fameux Adelsfreit, que ce magicien, le jour de sa mort, ayant mis la dernière main à la lyre, se prit d’un tel amour pour ce chef-d’œuvre, qu’il demanda à monseigneur de là-haut, le pape des étoiles…

albertus.

Quelles folies me racontez-vous là ? Meinbaker avait la tête pleine de contes de fées. Il prétendait qu’Adelsfreit avait demandé à Dieu de mettre son ame dans cette lyre, et que Dieu, pour le punir d’avoir ainsi joué avec son héritage céleste, l’avait condamné à vivre en-