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MAHMOUD ET MÉHÉMET ALI.

tion du 3 juillet de la même année par laquelle l’Angleterre et l’Autriche se sont garanti la libre navigation du Danube et la sécurité de leur commerce dans la mer Noire, évidemment menacées par les établissemens russes aux embouchures du fleuve ; l’attitude du gouvernement de la Compagnie dans l’Inde ; tous ces faits sont autant de symptômes d’une vive et soudaine réaction de l’Occident contre le Nord. Il ne faut pas cependant se faire illusion sur le caractère et la portée de cette réaction, La Porte, nous ne saurions trop le redire, ne trouvera une véritable sécurité que sous le protectorat d’une grande alliance occidentale qui admettrait dans ses développemens et ses prévisions toutes les chances, toutes les éventualités, qui garantirait le présent et l’avenir tout ensemble. La formation de cette alliance serait sans doute une œuvre laborieuse, délicate, mais d’une exécution prompte et certaine, si l’Autriche, l’Angleterre et la France y apportaient un véritable esprit de conciliation, si elles se dépouillaient des jalousies ombrageuses, des ambitions exclusives qui, en les divisant, ont jusqu’ici annihilé leur influence dans le Levant, et livré la Porte à l’action désorganisatrice de la Russie. Un accord sérieux et durable entre elles n’est possible qu’à une condition, c’est qu’elles lui donneront pour base le principe des concessions mutuelles. Ainsi l’Autriche et l’Angleterre ont un intérêt immense à la conservation de l’empire ottoman, car, si cet état succombait et que les Russes prissent possession du Bosphore, elles se trouveraient compromises et frappées l’une et l’autre dans leurs plus chers intérêts.

La France, au contraire, ne saurait être touchée vivement du sort de la Turquie que sous le point de vue des intérêts généraux et de l’équilibre européen ; mais elle doit couvrir de toutes ses sollicitudes la puissance qui s’élève sur les bords du Nil. En outre, elle éprouve un désir ardent de sortir des conditions territoriales que lui ont imposées la conquête et les traités de 1815. Cette diversité d’intérêts entre les trois cours ne leur offre-t-elle pas tous les élémens d’un échange réciproque de concessions ? Garantie et protection à la Turquie et à l’Égypte tout à la fois, redressement de notre ligne de frontières au nord et à l’est, tels devraient être, dans notre pensée, les premiers fondemens d’une solide et harmonieuse alliance entre les cours de Vienne, de Londres et de Paris, dans les crises inévitables et prochaines du Levant. Une autre combinaison se présenterait encore, et nous ne désespérons pas qu’elle se réalise un jour, malgré l’attitude de plus en plus hostile qu’ont prise l’un contre l’autre Mahmoud et Méhémet-Ali. Cette combinaison serait, non pas seulement une