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LA VALACHIE.

miner un peu quelle est leur aptitude à la liberté. Mais, puisque je viens de prononcer ici le mot d’esclavage, je dois dire que cet abus monstrueux que nous n’avons pas encore pu proscrire de nos possessions d’outre-mer, existe en Valachie, où il pèse sur les Zingares. Un de ces malheureux, s’il est cultivateur, se vend 100 francs ; les forgerons et les ouvriers ne valent que 70 francs ; une famille entière est livrée pour 500 francs au plus ! Des essais commencent à être tentés dans le but d’améliorer le sort de cette classe infortunée ; quelques boyards déjà ont concédé des terres à des Zingares, et ils les traitent sur le même pied que leurs autres tenanciers ; espérons que cet exemple trouvera des imitateurs. Pour revenir aux paysans, je dirai que, s’ils parviennent à surmonter leur apathie, à vaincre cet esprit de défiance qu’une longue oppression leur a inspiré, et à semer, avec la certitude de recueillir les fruits de leurs peines, ils ne tarderont pas à se trouver propriétaires de ces campagnes dont ils n’ont aujourd’hui que l’usage. Ils possèdent tous dans leurs bras les moyens de s’enrichir et de devenir libres.

Le clergé occupe, en Valachie, une place importante. Malheureusement la corruption et l’ignorance règnent parmi ses membres. Les lois qui le régissent devraient être soumises à une révision complète ; mais cette réforme ne pourra s’opérer que par le progrès des mœurs. On a cependant établi dans le nouveau règlement deux dispositions qui, trop récentes pour avoir beaucoup influé sur l’état des choses, porteront des fruits dans l’avenir. La première de ces mesures, opérée en 1836, est la fondation de quatre séminaires ; celui de Boukarest, le seul terminé, reçoit déjà quarante jeunes gens. La seconde consiste dans l’obligation imposée aux grands propriétaires de fournir aux curés un nombre d’arpens de terre qui, les plaçant au-dessus du besoin, les mettent en état de se consacrer aux devoirs religieux. Un métropolitain et trois évêques, ceux de Rimnik, de Bouséo et d’Argis, sont à la tête du clergé valaque. Les titulaires actuels ont peu de droits à la considération publique ; mais, comme c’est à l’assemblée nationale qu’il appartient de choisir les évêques, elle possède le moyen de chasser un jour la corruption et l’intrigue des siéges épiscopaux.

Les couvens de la Valachie sont demeurés ce qu’ils étaient, c’est-à-dire le séjour de la paresse et de la superstition ; ils ont perdu le seul avantage qu’ils offraient sous le gouvernement turc, celui d’être un refuge contre la tyrannie. Treize couvens d’hommes et cinq maisons de retraite destinées aux femmes, treize monastères rouméliotes, six couvens sous la dépendance du patriarche de Jérusalem, et trois