Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/592

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
588
REVUE DES DEUX MONDES.

que tous ces partis mécontens les laisseraient faire. Heureusement, les factieux ne calculent pas toujours bien. À Strasbourg, les bonapartistes, déguisés en républicains, avaient compté et mal compté sur quelques mauvais pamphlets répandus dans une armée loyale et fidèle. À Paris, les républicains, peut-être travestis en bonapartistes, avaient sans doute compté sur l’effet des déclamations des journaux depuis un an ; ils s’étaient dit que, puisque la monarchie de juillet était blâmée et abandonnée par un si grand nombre de ses anciens partisans, elle se trouverait livrée à ses ennemis sans défenseurs. La révolte a encore mal compté ; elle a pu se convaincre que la guerre entre les partis, sur laquelle elle basait ses espérances, n’était pas sérieuse, et que la monarchie de juillet retrouve aussitôt tous ses soutiens dès qu’elle est menacée d’un danger réel. Mais n’est-ce donc rien que d’avoir donné lieu, même involontairement, à d’affreux excès, et les partis, ainsi que leurs organes, ne seraient-ils pas bien coupables, s’ils ne changeaient la nature d’une opposition qui nous a fait passer par tant de misères depuis six mois ?

Nous en avons l’espoir, puisque chacun des partis qui ont donné lieu au désordre des esprits et des choses, en accusant le pouvoir d’empiétemens et d’usurpations, compte quelques-uns de ses représentans dans le nouveau ministère. Nous ne voulons pas aujourd’hui porter de jugement sur quelques-uns des membres qui le composent. Leurs actes même, s’ils en faisaient, devraient être jugés à cette heure avec indulgence. L’inquiétude est encore dans tous les esprits ; la paix publique veut une prompte et sévère répression, et ce n’est pas le moment d’affaiblir le pouvoir, qui a besoin, au contraire, que chaque bon citoyen lui prête des forces. Silence donc sur la conduite des partis et sur les hommes qu’ils ont fait surgir. Le ministère qui vient de se constituer est né de la circonstance ; des opinions opposées y figurent : c’est le résultat forcé de la coalition ; et c’est un résultat que nous avons nous-mêmes approuvé d’avance, quand nous avons vu la coalition l’emporter dans les élections. Les chefs des partis coalisés sont écartés, il est vrai, et restent en dehors des affaires. Nous aurions voulu les voir placés dans le gouvernement, pour ajouter à la sécurité du gouvernement même, et pour ne plus voir se renouveler ces déplorables luttes où toutes les passions et toutes les médiocrités politiques sont venues se grouper derrière quelques capacités. Les immenses difficultés qui se sont élevées depuis un an devant le dernier ministère, les attaques habiles et passionnées dont il avait été l’objet, et que nous avons repoussées sans relâche, justifiaient nos alarmes. Il en a été décidé autrement. Nous souhaitons qu’il ne se fasse pas de nouvelle scission dans les partis, déjà si divisés, et que l’élévation des vues, la noblesse du caractère de ceux qu’on a écartés, les empêchent de s’opposer à la formation d’une majorité si nécessaire en ce moment. Le ministère du 12 mai est présidé par le maréchal Soult, qu’on souhaitait, avec raison, voir au ministère de la guerre. Dès que l’émeute s’est montrée dans nos rues, l’incertitude qui régnait sur la présidence à venir de M. le duc de Dalmatie a dû cesser. Une feuille périodique demandait, il y a quelques jours, si l’épée seule du maréchal suffisait