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Colet. Mais, dans la bouche de Goethe, cela n’a plus de sens ; il était trop poli pour dire de pareilles impertinences à son ami Schlegel.

Tout ceci n’est donc que ridicule, et on laisserait passer toutes ces petites tirades gonflées de venin, toute cette petite rage littéraire, toute cette mesquine parodie d’Olympio, s’il n’y avait ici des tendances aristophaniques plus que singulières. Passe encore pour l’imitation des hymnes personnelles de M. Hugo et des anachronismes qu’on pardonne au prodigieux génie de Shakspeare. Il y a, dans la pièce de Mme Colet, un vieux caporal de la famille des sergens de M. Scribe ; il en a le patois et les plaisanteries de bon ton, et, de plus qu’eux, il s’enivre sur la scène et compare les pages de Werther à du kirsch, ce qui procède d’une belle imaginative, et est assurément un progrès. Ce Truman ressemble à Mathusalem, car il a servi, au temps de Richelieu, sous Wallenstein, et il verse à boire à Goethe dont la mort date d’hier. On rencontre des anachronismes pareils dans Shakspeare ; mais, ce qu’on n’y trouve pas, ce sont ces inconvenantes prétentions aristophaniques qui mettent en scène les gens vivans. Dans sa solitude de Bonn, notre illustre et savant collaborateur, M. Guillaume de Schlegel, tiendra sans doute fort peu de compte de ces injures qui ne l’atteignent pas, et qui paraissent s’adresser bien plutôt à lui qu’à son frère Frédéric, l’érudit, mort il y a quelques années. Les critiques sont accusés, à presque tous les vers de la pièce de Mme Colet, de n’avoir que de l’esprit et point de cœur. Schlegel, toutefois, n’y a pas même cette part et ce rôle ; car, si Mme Colet ne lui a point donné d’ame, elle s’est fort gardée aussi de lui donner de l’esprit. Quoi qu’il en soit, M. de Schlegel est et restera le premier critique, et l’un des plus remarquables poètes de l’Allemagne moderne. S’il a plu à une jeune femme de le travestir sur la scène, dans une comédie que ne peuvent sauver quelques vers colorés et un incontestable talent poétique, nous tenions à ce qu’il y eût, à cette occasion, dans un pays qui apprécie et respecte depuis lui la haute renommée des Schlegel, une protestation énergique. C’est là surtout le but de ces lignes.


— L’intéressant voyage du lieutenant Alexandre Burnes, dont il est question dans la lettre politique sur l’Orient de cette livraison, a été traduit par M. Eyriès, sous le titre de Voyages de l’embouchure de l’Indus à Lahor, Caboul-Balkh et à Boukkara, et retour par la Perse. Cet ouvrage forme trois volumes in-8o, qui sont accompagnés d’un atlas parfaitement gravé, où se trouve la carte de l’Asie centrale, des vues de l’Inde et des portraits[1].


Mme Desbordes-Valmore, l’auteur de tant de charmantes poésies, vient de publier un nouveau roman d’un intérêt simple et vrai, sous le titre de Violette[2].


V. de Mars.
  1. Chez Arthus Bertrand, rue Hautefeuille, 23. Prix : 30 fr. avec l’atlas.
  2. vol. in-8o, chez Dumont, au Palais-Royal.