Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/170

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
166
REVUE DES DEUX MONDES.

frayé ; car, lorsque le prince rumine quelque chose de sinistre, il a coutume de sourire et de faire crier ce pauvre Mosca en lui tirant les oreilles.

GABRIELLE.

Et que t’a-t-il chargé de me dire ?

MARC.

Il a parlé assez durement…

GABRIELLE.

Redis-le-moi sans rien adoucir.

MARC.

« Tu diras à ton seigneur Gabriel que, quelque plaisir qu’il prenne à la chasse, ou quelque entorse qu’il ait au pied, il ait à venir prendre mes ordres avant huit jours. Il a peu de temps à perdre, s’il veut me retrouver vivant, et s’il veut que je lui fasse conférer légalement son titre et son héritage, qui, après ma mort, pourraient fort bien lui être contestés avec succès. »

GABRIELLE.

Que voulait-il dire ? Pense-t-il qu’Astolphe veuille faire du scandale pour rentrer dans ses droits ?

MARC.

Il pense que le seigneur Astolphe a fortement la chose en tête, et si j’osais dire à votre seigneurie ce que j’en pense, moi aussi…

GABRIELLE.

Tu n’en penses rien, Marc.

MARC.

Monseigneur veut me fermer la bouche. Il n’en est pas moins de mon devoir de dire ce que je sais. Le seigneur Astolphe a fait venir l’été dernier à Florence la nourrice de votre seigneurie, et lui a offert de l’argent si elle voulait témoigner en justice de ce qu’elle sait et comment les choses se sont passées à la naissance de votre seigneurie…

GABRIELLE.

On t’a trompé, Marc ; cela n’est pas.

MARC.

La nourrice me l’a dit elle-même ces jours-ci au château de Bramante, et m’a montré une belle bourse, bien ronde, que le seigneur Astolphe lui a donnée pour se taire du moins sur sa proposition, car elle lui a nié obstinément qu’elle eût nourri un enfant du sexe féminin.